S. f. (Commerce et Police) La contrebande est en général tout commerce qui se fait contre les lois d'un état. Mais dans l'usage ordinaire on distingue la contrebande proprement dite, de la fraude.

Chaque société a deux objets principaux dans son administration intérieure. Le premier est d'entretenir dans l'aisance le plus grand nombre d'hommes qu'il est possible : le second, fondé sur le premier, est de lever sur les peuples les dépenses nécessaires, non à l'agrandissement des domaines de la société, ce qui serait le plus souvent contraire à son bonheur, mais celles qu'exigent sa sûreté et le maintien de la majesté de ceux qui gouvernent.



Pour remplir le premier objet, il a été nécessaire de prohiber l'entrée de plusieurs denrées étrangères, dont la consommation intérieure eut privé le peuple de son travail ou de son aisance, et l'état de sa population : cette prohibition s'est même étendue à la sortie de quelques denrées nationales en conséquence du même principe.

Pour satisfaire aux besoins publics de la société, on a imposé des droits, soit sur les marchandises étrangères permises, soit sur les marchandises nationales.

Le mot de contrebande s'applique aux contraventions de la première espèce ; le mot de fraude à celles de la seconde espèce.

Il est clair que la contrebande proprement dite est réputée telle, uniquement par la volonté du législateur ; dès qu'il a parlé, tout homme qui jouit des avantages de la société, doit se soumettre à ses lois ; s'il ose les enfreindre, il est criminel, quoique souvent digne de pitié : mais il est toujours très-méprisable, si l'intérêt seul d'un vain luxe ou d'une singularité frivole, le rend complice de la contrebande au préjudice du travail des pauvres.

Quoique la loi doive être sainte pour tous dans un état, il est possible que ses motifs ne soient pas toujours également favorables au bien général.

On a pu remarquer qu'il y a deux sortes de prohibitions, l'une d'entrée, et l'autre de sortie : examinons-en les motifs.

Les prohibitions utiles sur l'entrée des denrées étrangères, sont celles que dicte une connaissance profonde des balances particulières du commerce, de ses diverses circulations, et de la balance générale ; c'est-à-dire celles qu'un examen sérieux et médité prouve être nécessaires à l'aisance ou au travail du peuple.

Prohiber l'entrée des grains étrangers, lorsque les terres nationales peuvent fournir abondamment à la subsistance publique, est une police très-sage.

Prohiber une manufacture étrangère, uniquement parce qu'on est dans le dessein de l'imiter, n'est pas toujours un trait de prudence ; car les étrangers ont de leur côté un droit de prohibition. Lorsque les Anglais, par exemple, ont dernièrement proscrit l'usage de nos linons et de nos batistes, ils ne se sont pas aperçus que la France avait le droit de prohiber encore plus efficacement l'entrée des quincailleries d'Angleterre, dont on tolere une consommation si abondante parmi nous, sous le nom et en payant les droits de celles d'Allemagne.

Il convient donc de peser très-scrupuleusement la perte et le gain qui peuvent résulter d'une prohibition, avant de l'ordonner. Le calcul est la boussole du commerce ; sans lui on ne peut presque jamais rien déterminer sur l'application des principes généraux, parce que les cas particuliers se varient à l'infini.

Les prohibitions absolues ne sont pas les seules : les peuples intelligens dans le commerce en ont encore introduit une autre espèce plus mitigée. Lorsqu'ils sont dans la nécessité, soit réelle, soit politique, d'importer une denrée étrangère, ils en permettent l'introduction sur les navires nationaux seulement : mais on a soin de n'employer cet expédient que dans le cas où l'on achète plus chez un peuple qu'on ne lui vend, ou pour gagner un commerce englouti par les nations qui font celui d'oeconomie.

Le droit de prohibition est naturel à toute société indépendante : cependant il est des cas où la sûreté de toutes peut exiger que quelques-unes y renoncent. Lorsqu'elles y sont astreintes par un traité de paix, cette convention devient loi du droit public ; on ne peut y contrevenir sans injustice.

Dans tous les états d'une certaine étendue, il est presque impossible de déraciner la contrebande, si elle présente un profit considérable. Aussi a-t-on regardé par-tout la punition de ceux qui font usage des denrées prohibées, comme l'expédient le plus court et le plus simple pour faire périr ce ver rongeur. Les acheteurs sont en effet toujours aussi coupables que les vendeurs, et leurs motifs sont en général encore plus honteux.

Tout relâchement sur cette police est d'une telle conséquence, qu'il devient souvent impossible au législateur d'en réparer les funestes effets : ce peut même être une prudence nécessaire que de céder à la corruption générale, si le profit qu'on trouve à éluder la loi, le nombre des facilités, et le caprice de la multitude, sont plus forts que la loi même : alors la simple tolérance est d'un exemple dangereux ; les étrangers ne laissent pas de s'enrichir, l'état perd ou le produit de ses domaines, ou l'occasion d'un travail qui pourrait du moins remplacer en partie celui qui s'anéantit.

Dans plusieurs états, la contrebande qui se pratique par les gens dont c'est la profession, pour ainsi dire, et la ressource, n'est pas la plus dangereuse. On veille sans cesse sur eux ; il est rare qu'ils ne soient surpris tôt ou tard, et la punition éclatante d'un seul en corrige plusieurs.

Je parle de la contrebande que font les commis des douannes, soit à leur profit particulier, soit pour celui de leurs fermiers, en facilitant sous des noms supposés et sous des droits arbitraires, l'entrée des denrées prohibées. Cette contrebande sur laquelle personne ne veille, est un moyen sourd et très-assuré d'épuiser un état : d'autant plus que le remède est difficîle ; car la régie des douannes, quoique démontrée la meilleure de toutes les formes qu'elles peuvent recevoir, n'a pas réussi dans tous les pays ; comme une expérience de physique bien constatée peut manquer dans des mains différentes.

Nous n'avons parlé jusqu'à présent que de la contrebande d'entrée : celle de sortie consiste à exporter les denrées que l'état défend de vendre aux étrangers. Le nombre en est toujours médiocre, parce qu'en général cette méthode n'est utîle que dans le cas où les sujets seraient privés, soit du nécessaire, soit d'une occasion de travail. C'est ainsi que la sortie des laines est défendue en Angleterre, parce que leur qualité est réputée unique ; en France, celle du vieux linge, du salpetre, etc.

L'exportation des armes et des munitions est sujette à des restrictions dans presque tous les états, excepté en Hollande. Ces sages républicains savent que l'argent de tout le monde est bon à gagner, et réservent les prohibitions pour les occasions extraordinaires. En effet, il n'en est point des fusils, des épées, des balles, des canons, comme des matières, par exemple, du brai et du goudron, que tous les pays ne fournissent pas, et dont le transport peut être défendu utilement dans certaines circonstances, parce qu'il serait difficîle de les remplacer. Mais si la Suède et le Danemark imaginaient en temps de paix de prohiber la sortie de ces matières pour la France ; ce serait lui rendre et à ses colonies du continent de l'Amérique, un service très-signalé.

Dans les pays où le commerce n'est point encore sorti de son enfance, l'exportation de l'or et de l'argent est défendu sous les peines les plus rigoureuses. L'exemple de l'Espagne, du Portugal, et même celui de la France dans le temps des refontes lucratives au trésor royal, prouvent l'impuissance de cette prohibition chimérique. A voir les craintes répétées de l'auteur du dictionnaire du Commerce sur la quantité d'argent qui sort de l'Angleterre, on serait tenté de croire qu'il n'imaginait pas qu'il y en put rentrer. Si l'ouvrage était moins estimable, on ne ferait pas cette remarque : mais en rendant justice au zèle et à l'application de l'auteur, il est bon de ne pas s'abandonner à ses principes.

La fraude consiste à éluder le payement des droits imposés sur les marchandises nationales ou étrangères, soit dans la consommation intérieure, soit à l'importation ou à l'exportation : ainsi elle peut être considérée dans ces trois circonstances différentes.

Les droits se perçoivent dans la consommation intérieure, ou aux entrées des lieux où elle se fait, ou à l'entrée des provinces, ou enfin sur des denrées dont l'état s'est réservé le monopole.

Toute fraude est criminelle assurément : indépendamment du mépris de la loi, c'est voler la patrie ; c'est anéantir les effets de ce principe si auguste qui fit les rais, et le plus essentiel de leurs devoirs, la justice distributive : mais comme il est rare que tout un peuple soit guidé par l'esprit public, il convient de lui faire aimer la loi que l'on veut qu'il respecte. Le peuple se persuade mal-aisément que l'usage d'une denrée nécessaire, et qui se trouve facilement sous sa main à bon marché, puisse lui être justement défendu, à moins qu'il ne l'achète chèrement et avec des formalités gênantes.

Si cette denrée est nécessaire, soit à quelque partie de l'Agriculture, soit à quelque manufacture, la fraude s'établira et les recherches redoubleront, ou bien ces parties si essentielles de l'occupation des hommes diminueront, et avec elles la population. Plus les motifs de la fraude sont séduisans, plus la loi devient sévère. Rien peut-être n'est plus funeste à la probité d'un peuple, que cette disproportion dans la peine des crimes ; et les juges établis pour y veiller, se voient exposés chaque jour à la déplorable nécessité de retrancher de la société, des citoyens qui lui eussent été utiles, si les lois eussent été meilleures. Quand même il ne serait pas aussi possible qu'il le parait toujours, de remplacer cette espèce d'impôt ; il est évident que les peuples seraient soulagés d'un grand fardeau, si l'état convertissait en une somme d'argent fixe ce qu'il retire net de chaque sujet, à raison de cette branche des revenus publics.

Le monopole que l'état se réserve sur des denrées de pur agrément, est beaucoup plus doux : mais souvent il n'est pas plus favorable à la population, puisqu'il limite l'occupation des citoyens, et diminue les moyens de grossir la balance du commerce.

Un principe constant des finances bien entendues, c'est que le produit des revenus s'accrait en raison du nombre des sujets, de leur occupation, de leur aisance : tels sont les seuls ressorts actifs et durables de cette partie aussi belle qu'essentielle de l'administration. Le monopole dont nous parlons entraîne les mêmes inconvénients que l'autre par rapport aux peines et aux formalités : une opération très-simple cependant pourrait remédier à tout, et doubler le revenu.

La fraude sur les droits qui se perçoivent de province à province, est commune en raison du profit qu'elle donne à celui qui la fait ; et la barrière qu'il est absolument nécessaire d'établir contre elle exige tant de dépenses, que ces sortes de droits ne rendent jamais le quart de ce qu'ils coutent aux peuples. Mais leur plus grand inconvénient est d'arrêter la circulation intérieure et extérieure des denrées, et dès lors de nuire à l'occupation des sujets, à la population. On ne saurait trop répéter, que ce n'est presque jamais autant en raison de la valeur de ces droits, que parce que les formalités se multiplient sans cesse en proportion de la facilité qu'il y a de les éluder. D'un autre côté, sans ces formalités la recette s'anéantirait ; ainsi quoique cette fraude n'emporte point avec elle de supplices comme les précédentes, l'occasion n'en saurait être regardée que comme un principe vicieux dans un corps politique.

La fraude sur les droits qui se perçoivent dans le lieu même de la consommation, est beaucoup moins commune, parce qu'il est plus facîle de la découvrir, et parce que ces droits, lorsqu'on en connait bien la portée, ne sont jamais assez considérables pour laisser un grand profit au fraudeur. Si cette proportion n'était pas observée, non-seulement la recette perdrait tout ce qui serait consommé clandestinement, mais la consommation même diminuerait, et avec elle le revenu de l'état, le travail et l'aisance des sujets.

Lorsque c'est sur les facultés du peuple que ces sortes de droits sont proportionnés, ils sont payés d'une manière imperceptible ; et comme ils sont très-favorables à son industrie, toujours retardée par les impositions arbitraires, sa sûreté les lui fait envisager tranquillement. Les riches seuls en sont mécontens pour l'ordinaire, parce que cette méthode est la plus propre à établir l'équilibre entre les sujets. Le célèbre M. Law disait en 1700 au parlement d'Ecosse, que le poids des impôts sur les revenus et l'industrie d'une nation, était au poids des impôts sur les consommations, comme un est à quatre.

Les droits qui se perçoivent dans les ports et sur les frontières, sur les denrées importées ou exportées, présentent des facilités à la fraude suivant les circonstances locales, et principalement suivant la fidélité des commis ; car il est très-rare que cette fraude réussisse à leur insçu. Si elle est également illicite à l'exportation et à l'importation, il convient du moins d'en bien distinguer les effets dans la société, et par la même raison le châtiment.

Lorsqu'on élude le payement des droits à la sortie des denrées nationales, on a volé les revenus publics ; mais le peuple n'a point perdu de son occupation, ni l'état sur sa balance. Si même la denrée exportée n'a pu l'être qu'à la faveur du bénéfice de la fraude, l'état aurait gagné dans tous les sens. Cependant comme il n'est pas permis aux particuliers d'interpreter la loi, c'est au législateur à leur épargner cette tentation ; à bien examiner la proportion des droits de sortie compatibles avec son commerce et l'aisance de son peuple ; à distinguer le plus qu'il sera possible les espèces générales, afin d'entretenir l'équilibre entre toutes les qualités de terres et toutes ses provinces : cette considération restraindra immanquablement les droits, et les autres branches des revenus accraitront d'autant.

La fraude sur les importations étrangères emporte avec elle des suites si fâcheuses pour la société en général, que celui qui la commet devrait être soumis à deux sortes de peines, celle de la fraude et celle de la contrebande. En effet la confiscation étant la peine de la fraude simple, il n'est pas naturel que celui qui contribue à diminuer la balance générale du commerce, qui force les pauvres de rester dans l'oisiveté, enfin qui détruit de tout son pouvoir la circulation des denrées nationales, ne soit sujet qu'à la même punition.

Des casuistes très-relâchés et très-repréhensibles ont osé avancer que la fraude était licite. Cette erreur s'est principalement accréditée en Espagne ; parce que le clergé y était très-intéressé à la soutenir. En France où les ministres du Seigneur savent que le sacerdoce ne peut priver le prince de ses droits indélébiles sur tous ses sujets également, les Théologiens ont pensé unanimement que la fraude blesse les lois divines, comme les lois humaines. Cependant après avoir parcouru un grand nombre d'examens de conscience très-amples, je n'en ai trouvé aucun où cette faute fût rappelée au souvenir des pénitens. Article de M. V. D. F.

CONTRE-BANDE, dans le Blason ; c'est la barre qui coupe l'écu dans un sens contraire. Voyez BARRE.

On dit aussi contre-chévron, contre-pal, etc. quand il y en a deux de même nature qui sont opposés l'un à l'autre ; de sorte que la couleur soit opposée au métal, et le métal à la couleur. On dit qu'un écu est contre-palé, contre-bandé, contre-fessé, contre-componé, contre-barré, quand il est ainsi divisé. Voyez CONTRE-CHEVRONNE, CONTRE-PALE, etc.

CONTRE-BANDE, terme de Blason, signifie bandé de six par bande senestre contre-changée. Voyez BANDE. Voyez Chambers, Trévoux, et le P. Menétrier.

Hoibler en Stirie, parti et contre-bandé d'or et de gueules. (V)