S. m. (Droit naturel et Politique) le consentement des hommes réunis en société, est le fondement du pouvoir. Celui qui ne s'est établi que par la force, ne peut subsister que par la force ; jamais elle ne peut conférer de titre, et les peuples conservent toujours le droit de réclamer contre elle. En établissant les sociétés, les hommes n'ont renoncé à une portion de l'indépendance dans laquelle la nature les a fait naître, que pour s'assurer les avantages qui résultent de leur soumission à une autorité légitime et raisonnable ; ils n'ont jamais prétendu se livrer sans réserve à des maîtres arbitraires, ni donner les mains à la tyrannie et à l'opression, ni conférer à d'autres le droit de les rendre malheureux.
Le but de tout gouvernement, est le bien de la société gouvernée. Pour prévenir l'anarchie, pour faire exécuter les lais, pour protéger les peuples, pour soutenir les faibles contre les entreprises des plus forts, il a fallu que chaque société établit des souverains qui fussent revêtus d'un pouvoir suffisant pour remplir tous ces objets. L'impossibilité de prévoir toutes les circonstances où la société se trouverait, a déterminé les peuples à donner plus ou moins d'étendue au pouvoir qu'ils accordaient à ceux qu'ils chargeaient du soin de les gouverner. Plusieurs nations jalouses de leur liberté et de leurs droits, ont mis des bornes à ce pouvoir ; cependant elles ont senti qu'il était souvent nécessaire de ne point lui donner des limites trop étroites. C'est ainsi que les Romains, au temps de la république, nommaient un dictateur dont le pouvoir était aussi étendu que celui du monarque le plus absolu. Dans quelques états monarchiques le pouvoir du souverain est limité par les lois de l'état, qui lui fixent des bornes qu'il ne lui est pas permis d'enfreindre ; c'est ainsi qu'en Angleterre le pouvoir législatif réside dans le roi et dans les deux chambres du parlement. Dans d'autres pays les monarques exercent, du consentement des peuples, un pouvoir absolu, mais il est toujours subordonné aux lois fondamentales de l'état, qui font la sûreté réciproque du souverain et des sujets.
Quelque illimité que soit le pouvoir dont jouïssent les souverains, il ne leur permet jamais de violer les lais, d'opprimer les peuples, de fouler aux pieds la raison et l'équité. Il y a un siècle que le Danemarck a fourni l'exemple inouï d'un peuple, qui par un acte authentique, a conféré un pouvoir sans bornes à son souverain. Les Danois fatigués de la tyrannie des nobles, prirent le parti de se livrer sans réserve, et pour-ainsi-dire pieds et poings liés, à la merci de Fréderic III. un pareil acte ne peut être regardé que comme l'effet du désespoir. Les rois qui ont gouverné ce peuple n'ont point paru jusqu'ici s'en prévaloir ; ils ont mieux aimé régner avec les lois que d'exercer le despotisme destructeur auquel la démarche de leurs sujets semblait les autoriser. Nunquam satis fida potentia ubi nimia.
Le cardinal de Retz, en parlant d'Henri IV. dit qu'il ne se défiait pas des lais, parce qu'il se fiait en lui-même. Les bons princes savent qu'ils ne sont dépositaires du pouvoir que pour le bonheur de l'état. Loin de vouloir l'étendre, souvent ils ont eux-mêmes cherché à y mettre des bornes, par la crainte de l'abus que pourraient en faire des successeurs moins vertueux : ea demùm tuta est potentia quae viribus suis modum imponit. Val. Max. Les Titus, les Trajan, les Antonin ont usé du pouvoir pour le bonheur des humains : les Tibere, les Néron en ont abusé pour le malheur de l'univers. Voyez SOUVERAINS.
POUVOIR PATERNEL, (Droit nat. et civ.) droit et juridiction d'un père et d'une mère sur leurs enfants.
Quoique ce mot pouvoir paternel semble constituer tout le pouvoir sur les enfants dans la personne des pères, cependant si nous consultons la raison, nous trouverons que les mères ont un droit et un pouvoir égal à celui des pères ; car les obligations imposées aux enfants tirent semblablement leur origine de la mère comme du père, puisqu'ils ont également concouru à les mettre au monde. Aussi les lois positives de Dieu touchant l'obéissance des enfants, joignent sans nulle distinction le père et la mère ; tous deux ont une espèce de domination et de juridiction sur leurs enfants, non seulement lorsqu'ils viennent au monde, mais encore pendant leur enfance.
Le pouvoir des pères et des mères sur leurs enfants dérive de l'obligation où ils sont d'en prendre soin durant l'état imparfait de leur enfance. Ils sont obligés de les instruire, de cultiver leur esprit, de régler leurs actions, jusqu'à ce qu'ils aient atteint l'âge de raison ; mais lorsqu'ils sont parvenus à cet état qui a rendu leur père et mère des gens libres, ils le deviennent à leur tour.
Il résulte de-là que tout le droit et tout le pouvoir des pères et mères sont fondés sur cette obligation, que Dieu et la nature ont imposée aux hommes aussi-bien qu'aux autres créatures, de conserver ceux à qui ils ont donné la naissance, jusqu'à ce qu'ils soient capables de se conduire eux-mêmes. Ainsi nous naissons libres aussi-bien que raisonnables, quoique nous n'exercions pas d'abord actuellement notre raison et notre liberté ; l'âge qui amène l'une amène aussi l'autre, et par-là nous voyons comment la liberté naturelle et la sujetion aux parents peuvent subsister ensemble, et sont fondées l'une et l'autre sur le même principe.
Le pouvoir paternel n'est point arbitraire, et il appartient si peu au père et à la mère par quelques droits particuliers de la nature, qu'ils ne l'ont qu'en qualité de gardiens, et de gouverneurs de leurs enfants ; de-sorte que lorsqu'ils les abandonnent en se dépouillant de la tendresse paternelle, ils perdent leur pouvoir sur eux, qui était inséparablement annexé aux soins qu'ils prenaient de les nourrir et de les élever, et qui passe tout entier au père nourricier d'un enfant exposé, et lui appartient autant qu'appartient un semblable pouvoir au véritable père d'un autre.
De cette manière, le pouvoir paternel est plutôt un devoir qu'un pouvoir ; mais pour ce qui regarde le devoir d'honneur de la part des enfants, il subsiste toujours dans son entier, rien ne peut l'abolir ni le diminuer, et il appartient si inséparablement au père et à la mère, que l'autorité du père ne peut déposséder la mère du droit qu'elle y a, ni exempter son fils d'honorer celle qui l'a porté dans ses flancs. Cet honneur, ce respect, tout ce que les Latins appellent piété, est dû indispensablement aux pères et aux mères durant toute la vie, et dans toutes sortes d'états et de conditions, quoiqu'il soit vrai qu'un père et une mère n'ont aucune domination proprement dite sur les actions de leurs enfants à un certain âge, ni sur leurs propres biens. Cependant il est aisé de concevoir que dans les premiers temps du monde, et dans les lieux qui n'étaient guère peuplés, des familles venant à se séparer et à occuper des terres inhabitées, un père devenait le prince de sa famille, le gouverneur et le maître de ses enfants, non-seulement dans le cours de leurs premières années, mais encore après que ces enfants avaient acquis l'âge de discrétion et de maturité.
Il ne faut pas conclure de-là que le pouvoir paternel soit l'origine du gouvernement d'un seul, comme le plus conforme à la nature ; car outre que la mère partage ici la juridiction, si le pouvoir du père a du rapport au gouvernement d'un seul, le pouvoir des frères après la mort du père, ou celui des cousins-germains après la mort des frères, ont du rapport au gouvernement de plusieurs ; enfin la puissance politique comprend nécessairement l'union de plusieurs familles.
Une chose plus vraie, c'est que le gouvernement des pères et mères est fondé sur la raison ; leurs enfants sont une portion de leur sang ; ils naissent dans une famille dont le père et la mère sont les chefs ; ils ne sont pas en état pendant leur enfance de pourvoir eux-mêmes à leurs besoins, à leur conservation, à leur éducation ; toutes ces circonstances demandent donc une juste autorité des père et mère sur les enfants qu'ils ont mis au monde.
Cette autorité est de toutes les puissances celle dont on abuse le moins dans les pays où les mœurs font de meilleurs citoyens que les lois ; c'est la plus sacrée de toutes les magistratures, c'est la seule qui ne dépende pas des conventions, et qui les a même précédées. Dans une république, où la force n'est pas si réprimante que dans les autres gouvernements, les lois doivent y suppléer par l'autorité paternelle. A Lacédémone, chaque père avait droit de corriger l'enfant d'un autre. A Rome la puissance paternelle ne se perdit qu'avec la république. Dans les monarchies où la pureté des mœurs est rare, il faut que chacun vive sous la puissance des magistrats. Dans une république, la subordination peut demander que le père et la mère restent pendant leur vie maîtres des biens de leurs enfants, mais il en résulterait trop d'inconvénients dans une monarchie. En un mot il a fallu pour le bien public, que les lois civiles bornassent le pouvoir paternel ; elles ont donc établi que ce pouvoir finissait.
1°. Par la mort du père ou par celle de ses enfants. Ceux-ci après la mort de leur père ne tombent pas sous la puissance de l'ayeul, mais ils restent sous l'inspection et la tutele de leur mère : si la mère vient à mourir, ou qu'elle ne veuille pas être tutrice, les ayeux sont tenus, en qualité de tuteurs naturels, de veiller à leur éducation, et à la conservation de leurs biens.
2°. Par la proscription, lorsque l'un ou l'autre est proscrit ou déclaré ennemi de la patrie, ce qui a semblablement lieu par rapport aux déserteurs.
3°. Par l'émancipation du fils, lorsqu'il est adopté par son ayeul, ce qui est le seul cas d'émancipation qui ait lieu aujourd'hui ; c'est pourquoi le père ne peut plus demander le prix de l'émancipation, savoir la moitié du bien du fils.
4°. Par l'exposition d'un enfant, soit qu'il ait été exposé dans un lieu public, ou près d'une église, ou dans une maison particulière.
5°. Par l'abus de la puissance paternelle, comme lorsqu'un père traite ses enfants tyranniquement, ou lorsqu'il les prostitue ou les engage à des actions infâmes.
Dans tous ces cas, le pouvoir paternel prend fin, et par conséquent tous les droits qui en découlent, quoique ceux qui sont une suite des liens du sang, subsistent dans toute leur force. Ainsi la perte de la puissance paternelle, n'empêche pas que les mariages dans un degré défendu, ne demeurent toujours prohibés, et que celui qui tue son père ou sa mère ne soit toujours parricide. (D.J.)
POUVOIR, (Jurisprudence) est la puissance ou la faculté de faire quelque chose. Le pouvoir de prêcher, de confesser, et d'enseigner dépendent du supérieur ecclésiastique. Voyez PUISSANCE, CONFESSION, LEÇON, PREDICATION, VICAIRE. (A)
POUVOIR, un, s. m. (Art militaire) titre qu'on donne aux patentes que le roi accorde aux lieutenans-généraux de ses armées ; celles des maréchaux-de-camp sont des brevets, mais les patentes des lieutenans-généraux s'appellent des pouvoirs : ils ne peuvent pourtant pas servir ni commander en vertu de ces seuls pouvoirs ; car quoiqu'ils soient donnés pour toute la vie, il leur faut cependant à chaque campagne une lettre du prince, qui s'appelle lettre de service, qui est adressée au général sous lequel ils doivent servir, sans quoi il leur serait inutîle d'aller à l'armée, car ils n'y seraient pas reconnus. (D.J.)
POUVOIR
- Détails
- Écrit par : Louis de Jaucourt (D.J.)
- Catégorie : Droit naturel & politique
- Clics : 3147