S. m. pl. (Droit naturel et Politique) Ce sont ceux à qui la volonté des peuples a conféré le pouvoir nécessaire pour gouverner la société.

L'homme, dans l'état de nature, ne connait point de souverain ; chaque individu est égal à un autre, et jouit de la plus parfaite indépendance ; il n'est dans cet état d'autre subordination que celle des enfants à leur père. Les besoins naturels, et surtout la nécessité de réunir leurs forces pour repousser les entreprises de leurs ennemis, déterminèrent plusieurs hommes ou plusieurs familles à se rapprocher, pour ne faire qu'une même famille que l'on nomme société. Alors on ne tarda point à s'apercevoir, que si chacun continuait d'exercer sa volonté, à user de ses forces et de son indépendance, et de donner un libre cours à ses passions, la situation de chaque individu serait plus malheureuse que s'il vivait isolé, on sentit qu'il fallait que chaque homme renonçât à une partie de son indépendance naturelle pour se soumettre à une volonté qui représentât celle de toute la société, et qui fût, pour ainsi dire, le centre commun et le point de réunion de toutes ses volontés et de toutes ses forces. Telle est l'origine des souverains. L'on voit que leur pouvoir et leurs droits ne sont fondés que sur le consentement des peuples ; ceux qui s'établissent par la violence, ne sont que des usurpateurs ; ils ne deviennent légitimes, que lorsque le consentement des peuples a confirmé aux souverains les droits dont ils s'étaient emparés.



Les hommes ne se sont mis en société, que pour être plus heureux ; la société ne s'est choisi des souverains que pour veiller plus efficacement à son bonheur et à sa conservation. Le bien-être d'une société dépend de sa sûreté, de sa liberté et de sa puissance, pour lui procurer ces avantages. Il a fallu que le souverain eut un pouvoir suffisant pour établir le bon ordre et la tranquillité parmi les citoyens, pour assurer leurs possessions, pour protéger les faibles contre les entreprises des forts, pour retenir les passions par des peines, et encourager les vertus par des récompenses. Le droit de faire ces lois dans la société, s'appelle puissance législative. Voyez LEGISLATION.

Mais vainement le souverain aura-t-il le pouvoir de faire des lois, s'il n'a en même temps celui de les faire exécuter : les passions et les intérêts des hommes font qu'ils s'opposent toujours au bien général, lorsqu'il leur parait contraire à leur intérêt particulier. Ils ne voient le premier que dans le lointain ; tandis que sans-cesse ils ont le dernier sous les yeux. Il faut donc que le souverain soit revêtu de la force nécessaire pour faire obéir chaque particulier aux lois générales, qui sont les volontés de tous, c'est ce qu'on nomme puissance exécutrice.

Les peuples n'ont point toujours donné la même étendue de pouvoir aux souverains qu'ils ont choisis. L'expérience de tous les temps apprend, que plus le pouvoir des hommes est grand, plus leurs passions les portent à en abuser : cette considération a déterminé quelques nations à mettre des limites à la puissance de ceux qu'elles chargeaient de les gouverner. Ces limitations de la souveraineté ont varié, suivant les circonstances, suivant le plus ou moins d'amour des peuples pour la liberté, suivant la grandeur des inconvénients auxquels ils s'étaient trouvés entièrement exposés sous des souverains trop arbitraires : c'est-là ce qui a donné naissance aux différentes divisions qui ont été faites de la souveraineté et aux différentes formes des gouvernements. En Angleterre, la puissance législative réside dans le roi et dans le parlement : ce dernier corps représente la nation, qui par la constitution britannique, s'est réservé de cette manière une portion de la puissance souveraine ; tandis qu'elle a abandonné au roi seul le pouvoir de faire exécuter les lois. Dans l'empire d'Allemagne, l'empereur ne peut faire des lois qu'avec le concours des états de l'Empire. Il faut cependant que la limitation du pouvoir ait elle-même des bornes. Pour que le souverain travaille au bien de l'état, il faut qu'il puisse agir et prendre les mesures nécessaires à cet objet ; ce serait donc un vice dans un gouvernement, qu'un pouvoir trop limité dans le souverain : il est aisé de s'apercevoir de ce vice dans les gouvernements suédois et polonais.

D'autres peuples n'ont point stipulé par des actes exprès et authentiques les limites qu'ils fixaient à leurs souverains ; ils se sont contentés de leur imposer la nécessité de suivre les lois fondamentales de l'état, leur confiant d'ailleurs la puissance législative, ainsi que celle d'exécuter. C'est-là ce qu'on appelle souveraineté absolue. Cependant la droite raison fait voir qu'elle a toujours des limites naturelles ; un souverain, quelque absolu qu'il sait, n'est point en droit de toucher aux lois constitutives d'un état, non-plus qu'à sa religion ; il ne peut point altérer la forme du gouvernement, ni changer l'ordre de la succession, à moins d'une autorisation formelle de sa nation. D'ailleurs il est toujours soumis aux lois de la justice et à celles de la raison, dont aucune force humaine ne peut le dispenser.

Lorsqu'un souverain absolu s'arroge le droit de changer à sa volonté les lois fondamentales de son pays ; lorsqu'il prétend un pouvoir arbitraire sur la personne et les possessions de son peuple, il devient un despote. Nul peuple n'a pu ni voulu accorder un pouvoir de cette nature à ses souverains ; s'il l'avait fait, la nature et la raison le mettent toujours en droit de réclamer contre la violence. Voyez l'article POUVOIR. La tyrannie n'est autre chose que l'exercice du despotisme.

La souveraineté lorsqu'elle réside dans un seul homme, soit qu'elle soit absolue, soit qu'elle soit limitée, s'appelle monarchie. Voyez cet article. Lorsqu'elle réside dans le peuple-même, elle est dans toute son étendue, et n'est point susceptible de limitation ; c'est ce qu'on appelle démocratie. Ainsi chez les Athéniens la souveraineté résidait toute entière dans le peuple. La souveraineté est quelquefois exercée par un corps, ou par une assemblée qui représente le peuple, comme dans les états républicains.

En quelques mains que soit déposé le pouvoir souverain, il ne doit avoir pour objet que de rendre heureux les peuples qui lui sont soumis ; celui qui rend les hommes malheureux est une usurpation manifeste et un renversement des droits auxquels l'homme n'a jamais pu renoncer. Le souverain doit à ses sujets la sûreté, ce n'est que dans cette vue qu'ils se sont soumis à l'autorité. Voyez PROTECTION. Il doit établir le bon ordre par des lois salutaires, il faut qu'il soit autorisé à les changer, suivant que la nécessité des circonstances le demande ; il doit réprimer ceux qui voudraient troubler les autres dans la jouissance de leurs possessions, de leur liberté, de leur personne ; il a le droit d'établir des tribunaux et des magistrats qui rendent la justice, et qui punissent les coupables suivant des règles sures et invariables. Ces lois s'appellent civiles, pour les distinguer des lois naturelles et des lois fondamentales auxquelles le souverain lui-même ne peut point déroger. Comme il peut changer les lois civiles, quelques personnes croient qu'il ne doit point y être soumis ; cependant il est naturel que le souverain se conforme lui-même à ses lois tant qu'elles sont en vigueur, cela contribuera à les rendre plus respectables à ses sujets.

Après avoir veillé à la sûreté intérieure de l'état, le souverain doit s'occuper de sa sûreté au-dehors ; celle-ci dépend de ses richesses, de ses forces militaires. Pour parvenir à ce but, il portera ses vues sur l'agriculture, sur la population, sur le commerce, il cherchera à entretenir la paix avec ses voisins, sans cependant négliger la discipline militaire, ni les forces qui rendront sa nation respectable à tous ceux qui pourraient entreprendre de lui nuire, ou de troubler sa tranquillité ; de-là nait le droit que les souverains ont de faire la guerre, de conclure la paix, de former des alliances, etc. Voyez PAIX, GUERRE, PUISSANCE.

Tels sont les principaux droits de la souveraineté, tels sont les droits des souverains ; l'histoire nous fournit des exemples sans nombre de princes oppresseurs, de lois violées, de sujets révoltés. Si la raison gouvernait les souverains, les peuples n'auraient pas besoin de leur lier les mains, ou de vivre avec eux dans une défiance continuelle ; les chefs des nations contens de travailler au bonheur de leurs sujets, ne chercheraient point à envahir leurs droits. Par une fatalité attachée à la nature humaine, les hommes font des efforts continuels pour étendre leur pouvoir ; quelques digues que la prudence des peuples ait voulu leur opposer, il n'en est point que l'ambition et la force ne viennent à bout de rompre ou d'éluder. Les souverains ont un trop grand avantage sur les peuples ; la dépravation d'une seule volonté suffit dans le souverain pour mettre en danger ou pour détruire la félicité de ses sujets. Au-lieu que ces derniers ne peuvent guère lui opposer l'unanimité ou le concours de volontés et de forces nécessaires pour reprimer ses entreprises injustes.

Il est une erreur funeste au bonheur des peuples, dans laquelle les souverains ne tombent que trop communément ; ils croient que la souveraineté est avilie dès lors que ses droits sont resserrés dans des bornes. Les chefs de nations qui travailleront à la félicité de leurs sujets, s'assureront leur amour, trouveront en eux une obéissance prompte, et seront toujours redoutables à leurs ennemis. Le chevalier Temple disait à Charles II. qu'un roi d'Angleterre qui est l'homme de son peuple, est le plus grand roi du monde ; mais s'il veut être davantage, il n'est plus rien. Je veux être l'homme de mon peuple, répondit le monarque. Voyez les articles POUVOIR, AUTORITE, PUISSANCE, SUJETS, TYRAN.

SOUVERAIN, (Jurisprudence) ce titre est donné à certains tribunaux, comme aux conseils souverains, aux cours souveraines ; ce qui ne signifie pas que ces juges aient une autorité souveraine qui leur soit propre, mais qu'ils exercent la justice au nom du souverain.

A la table de marbre, on appelle tenir le souverain, lorsque les commissaires du parlement viennent y tenir l'audience.

De même aux requêtes de l'hôtel, les maîtres des requêtes, étant au nombre de sept, jugent au souverain certaines causes dont ils sont juges en dernier ressort. Voyez CONSEIL SOUVERAIN, COUR SOUVERAINE, MAITRE DES REQUETES, REQUETES DE L'HOTEL. (A)

SOUVERAIN, (Monnaie) c'est le nom d'une monnaie frappée en Flandres vers le commencement du dernier siècle. Il y avait aussi un demi - souverain et un quart de souverain. Le souverain de Flandres était du poids de six deniers 12 grains, ou 2 gros 12 grains trébuchans, et était reçu en France pour 13 livres. Le demi - souverain valait 6 livres 10 sous, pesant 1 gros 6 grains ; le quart 3 liv. 5 sous pesant demi gros 3 grains. Cette monnaie n'a pas toujours eu le même type. Le livre qui contient les règlements faits en 1641 pour les monnaies, donne la figure de deux souverains, dont le premier frappé en 1616, a d'un côté les effigies des archiducs Albert et Elisabeth assis, et de l'autre côté l'écu d'Autriche. Le second frappé en 1622, a d'un côté le buste de Philippe IV. roi d'Espagne, et de l'autre côté son écu. (D.J.)