S. m. (Histoire naturelle, Minéralogie) ce mot qui est latin, a été adopté par les naturalistes français, pour désigner en général le caillou ou la pierre à fusil, et particulièrement la pierre à fusil noire, qui se trouve par masses informes et détachées dans les couches de la craie. On a déjà parlé de plusieurs propriétés de cette pierre à l'article CAILLOU ; l'on y a rapporté différents sentiments sur son origine et sa formation ; cependant on a cru faire plaisir au lecteur en lui mettant ici sous les yeux des observations plus récentes qui ont été faites sur le silex ; elles contribueront à jeter du jour sur la nature de cette pierre importante, dont la terre sert de base à l'agate, au jaspe, au quartz et aux pierres précieuses. Voyez ces différents articles.
Le silex est très-abondamment répandu dans presque toutes les parties de notre globe ; il ne forme jamais de couches suivies ou de bancs, comme la pierre calcaire, les ardoises, etc. mais il se trouve par masses de grandeurs inégales, détachées les unes des autres. C'est surtout dans les couches de craie que l'on rencontre une grande quantité de ces pierres ; elles y sont répandues par masses irrégulières et de toutes sortes de figures. Ces sortes de silex sont communément noirs à l'intérieur ; à l'extérieur ils sont comme enveloppés d'une croute blanche qui se distingue par sa dureté de la craie qui les environne. Ces circonstances ont fait conjecturer qu'il devait y avoir de l'analogie entre la craie et le silex ou caillou ; delà quelques auteurs ont pensé que la craie n'était produite que par la décomposition du caillou ; d'autres au contraire ont regardé le caillou comme une production de la craie. Ces sentiments sont tous deux fondés sur des raisons spécieuses ; nous allons voir pour lequel il parait plus naturel de se décider.
Le silex ou le caillou ne se dissout point, lorsqu'on y verse de l'acide, malgré cela si un fragment de silex, qui est communément tranchant et d'une couleur noirâtre à l'extérieur, demeure pendant longtemps exposé aux injures de l'air, ses angles tranchants s'émoussent à la longue, et la partie noirâtre se recouvre d'une espèce de peau blanche qui à la fin ne laisse plus paraitre de noir. Cette expérience prouve d'une manière incontestable que l'acide de l'air, qui n'est autre chose que l'acide vitriolique, a agi sur cette pierre ; il faut croire que la nature aidée des temps, et sachant donner à cet acide le degré d'activité qui lui est nécessaire, vient à bout de cette dissolution à laquelle le chimiste ne peut parvenir en se servant des acides ordinaires, qui sont des produits de l'art. Dans le liquor silicum on voit qu'il se fait une dissolution de la partie du caillou qui avait été combinée par la fusion avec le sel alkali fixe. Voyez LIQUOR SILICUM. Ces expériences prouvent que la nature et l'art peuvent venir à bout de dissoudre le silex, et que cette pierre n'est point inattaquable par les dissolvants, comme quelques auteurs l'ont prétendu.
Lorsque l'on considère attentivement le caillou, on y trouve des caractères qui indiquent d'une manière sensible que cette pierre dans son origine a dû être molle, et avoir un degré de fluidité. En effet on trouve souvent dans le sein de la terre des coquilles dans l'intérieur desquelles on rencontre des cailloux de différentes couleurs qui s'y sont moulées au point de prendre parfaitement les empreintes des coquilles les plus petites dans lesquelles le suc pierreux a coulé ; une infinité d'exemples empêchent de douter de cette vérité ; en effet on trouve des échinites ou oursins, des turbinites, etc. qui paraissent entièrement changés en silex. C'est aussi de cette manière qu'ont dû se former les morceaux de bois changés en agates et en cailloux que l'on rencontre souvent en terre ; la matière lapidifique qui produit le silex, a dû être dans une très-grande fluidité pour s'insinuer et se mouler dans les fibres et canaux déliés, dont le bois est composé. Voyez PETRIFICATION.
Le tissu compacte et serré du silex, ainsi que les mamelons qui se trouvent fréquemment, soit à sa surface, soit à son intérieur, nous conduisent à croire que non-seulement la matière dont cette pierre s'est formée a été fluide, mais encore qu'elle a été dans un état de viscosité ou d'une espèce de gelée. Si la dissolution eut été parfaite, c'est-à-dire si l'eau chargée de la matière du caillou dissoute, n'eut eu que le point de saturation, l'évaporation eut produit du crystal de roche, c'est-à-dire des colonnes exagones terminées par une pyramide pareillement exagone, figure qui est propre à la matière silicée, lorsqu'elle est pure. Mais lorsque des substances terreuses ou métalliques sont venues accidentellement se joindre à la dissolution, elles l'ont rendu opaque, colorée et visqueuse, et alors la crystallisation n'a point pu se faire. C'est-là vraisemblablement la raison pourquoi les pierres de la nature du silex, sont opaques ou fort chargées de couleur, forment presque toujours des mamelons ; on en a des exemples dans les agates, les jaspes, et l'on voit que ces pierres ont souvent à leur intérieur des cavités recouvertes de mamelons très durs, et dont la couleur varie en raison des métaux qui ont coloré la matière, lorsqu'elle était fluide ou en dissolution ; au lieu que quelques cailloux ont à leur intérieur des cavités couvertes de crystaux clairs et transparents, qui ont toutes les qualités du crystal de roche.
Toutes ces conjectures prendront beaucoup de vraisemblance, si l'on y joint quelques expériences que M. Swab vient de publier dans le tome XX. des Mémoires de l'académie de Stockholm, année 1758 : le résultat de ces expériences prouve, que les acides agissent sur les verres formés par le mélange de terre calcaire quelconque ou de la chaux, avec de l'argille ou avec du caillou. On sait que ces substances qui seules ne se fondent point, entrent en fusion dès-lors qu'on vient à les mêler. Pour cet effet l'on n'a qu'à pulvériser ce verre, verser par-dessus de l'acide vitriolique, de l'acide nitreux ou de l'acide marin, et mettre le tout en digestion dans un lieu chaud ; dans cette expérience il ne se fait point d'effervescence, malgré cela on trouve que le dissolvant que l'on a employé s'épaissit en vingt-quatre heures, et forme une matière gélatineuse et transparente comme de l'empoi, qui s'attache au vaisseau, au fond duquel est tombée une portion du verre pulvérisé qui ne s'est point dissoute.
L'acide vitriolique combiné avec de la chaux ou avec une substance calcaire seule produit bien une espèce de sel, mais non pas une matière gélatineuse, comme celle dont il s'agit ici ; pour produire cet effet, il faut que la chaux ou la terre calcaire ait été fondue, c'est-à-dire modifiée et élaborée par sa combinaison avec de l'argille ou avec une pierre de la nature du silex ou du caillou.
Les différentes gelées que M. Swab a obtenues de cette manière, se durcissaient avec le temps et acquéraient la consistance d'une pierre ; elles étaient communément cassantes et remplies de gersures ; elles se mettaient par éclats, comme du silex ou comme du verre ; elles conservaient leur transparence, mais en se séchant elles prenaient une couleur plus foncée. Cette matière gélatineuse séchée attirait fortement l'humidité de l'air, même après avoir été édulcorée ; mais en la faisant rougir au feu, ce qui la remplit de fentes, elle n'attirait plus d'humidité de l'air. Dans cet état, ni les acides, ni les alkalis n'attaquent plus cette matière semblable à une pierre. Si on l'expose à un feu violent excité par un soufflet, en une demi-heure de temps sa surface se couvre d'une espèce d'enduit ou de vernis, mais elle n'entre point en une fusion parfaite, elle devient tendre et grenue ou farineuse dans la fracture, et ressemble à de la pierre à chaux d'un grain fin qui a été calcinée, cependant elle n'a aucune des propriétés de la chaux.
Les expériences qui précèdent ont été faites par M. Swab, dans la vue de découvrir ; 1°. pourquoi certains verres étaient attaquables par les acides ; il a trouvé que ceux dans la composition desquels on avait fait entrer de la chaux ou quelque pierre calcaire, étaient toujours dissouts par les acides et formaient de la gelée. 2°. Il a voulu découvrir, si ce ne serait pas-là la voie dont la nature se servirait dans le sein de la terre, pour former des silex ou du caillou. Comme cette pierre se trouve communément dans des couches de craie, le célèbre M. Linnaeus a été le premier qui ait soupçonné que la craie pouvait donner naissance au caillou ; M. Swab présume que le caillou pourrait bien être produit par la combinaison d'un acide minéral, avec une terre calcaire modifiée et élaborée par la nature d'une façon particulière, à laquelle il s'est joint quelque mélange étranger. Il est certain que les caractères que présente la gelée durcie dont on a parlé, son aspect vitreux, son infusibilité, son insolubilité dans les acides annoncent une très-grande analogie entr'elle et le silex ou caillou. Quant aux différences qui sont entre cette matière et le silex, elles viennent du temps et de certaines circonstances que la nature met dans ses opérations, et que l'art ou ignore ou ne sait point imiter. Cependant M. Swab croit que l'on pourrait parvenir à faire des silex ou cailloux artificiels qui auraient plus de solidité, qui n'attireraient point l'humidité de l'air ; en un mot, qui seraient plus semblables au silex naturel, si l'on tentait de combiner la chaux avec des substances différentes de celles qu'il a employées, et cela dans des proportions variées ; comme ces expériences demandent du temps, il se promet de les suivre et de rendre compte à l'académie de Stockholm, dont il est membre, du succès de ses travaux. En attendant, il parait que les expériences que M. Swab a faites sont propres à jeter un grand jour sur la connaissance des pierres en général : elles pourraient faire présumer qu'il n'y a qu'une terre primitive dans la nature, dont les différentes combinaisons et élaborations produisent toutes les variétés que nous voyons dans les pierres. Voyez PIERRES. (-)
SILEX
- Détails
- Écrit par : Paul-Henri-Thiry, baron de Holbach (—)
- Catégorie : Minéralogie
- Clics : 2748