S. m. (Théologie) en général est un signe d'une chose sainte ou sacrée. Voyez SIGNE.
Ce mot vient du latin sacramentum, qui signifie un serment, et singulièrement celui que chez les anciens les soldats prêtaient entre les mains de leurs généraux, et dont Polybe nous a conservé cette formule. Obtemperaturus sum et facturus quidquid mandabitur ab imperatoribus juxta vires. J'obéirai à mes généraux, j'exécuterai leurs ordres en tout ce qui sera en mon pouvoir.
Dans un sens général, on peut dire avec S. Augustin que nulle religion, soit vraie, soit fausse, n'a pu s'attacher les hommes sans employer des signes sensibles ou des sacrements. Ainsi la loi de nature a eu les siens, telle que l'offrande du pain et du vin, pratiquée par Melchisédech ; et l'on trouve dans celle de Moïse la circoncision, l'agneau paschal, les purifications, la consécration des pontifes. Le paganisme pourra mettre aussi au nombre de ses sacrements les lustrations, les expiations, les cérémonies des mystères d'Eleusine et de Samothrace, car tout cela était symbolique et significatif.
Mais dans la loi nouvelle, le mot sacrement signifie un signe sensible d'une grâce spirituelle, institué par notre Seigneur Jesus-Christ pour la sanctification des hommes.
Socin et ses disciples enseignent que les sacrements ne sont que de pures cérémonies, qui ne servent tout-au-plus qu'à unir extérieurement les fidèles ensemble, et à les distinguer des juifs et des gentils.
Les Protestants n'en disent guère davantage, en prétendant que les sacrements ne sont que de pures cérémonies instituées de Dieu, pour sceller et confirmer les promesses de la grâce, pour soutenir notre foi et pour nous exciter à la piété. Ils n'en admettent communément que deux, le baptême et l'eucharistie, ou, comme ils l'appelent, la sainte cène ; les Anglicans y ajoutent la confirmation.
Les Catholiques au contraire, qui pensent que les sacrements produisent par eux-mêmes la grâce sanctifiante, en admettent sept après toute la tradition, savoir le baptême, la confirmation, l'eucharistie, la pénitence, l'extrême-onction, l'ordre, et le mariage ; nous avons traité de chacun en particulier sous leur article. Voyez BAPTEME, etc.
Les sacrements sont des êtres moraux qui sont essentiellement composés de deux parties, de quelque chose de sensible, et de quelques paroles. C'est de l'union de ces deux parties que résulte le sacrement ; audit verbum ad elementum, dit S. Augustin, tract. 8. in Joan. et fit sacramentum. Les théologiens scolastiques ont donné le nom de matière aux choses sensibles, et le nom de forme aux paroles. Voyez MATIERE et FORME.
Les Protestants soutiennent que les paroles qui entrent essentiellement dans la composition des sacrements, doivent renfermer une instruction ou contenir une promesse. Mais l'une et l'autre prétention n'ont nul fondement dans l'Ecriture ou dans la tradition, et d'ailleurs la fin prochaine des sacrements n'est pas d'instruire les hommes, ou de leur promettre la grâce, mais de la leur conférer ; ainsi ces paroles sont proprement consécratoires, soit en retirant de l'usage profane la chose sensible qui forme la matière, soit en initiant aux mystères divins, celui qui reçoit les sacrements.
Mais outre l'application de la forme et de la matière, on exige encore dans le ministre qui confère les sacrements, l'intention de faire ce que fait l'Eglise. On dispute beaucoup dans les écoles sur la nature de cette intention, savoir si elle doit être intérieure et actuelle, ou si une intention habituelle, ou virtuelle, ou extérieure, est suffisante pour la validité du sacrement. Voyez INTENTION.
Les sacrements considérés en général se divisent en sacrements des morts et sacrements des vivants. On entend par sacrements des morts ceux qui sont destinés à rendre la vie spirituelle ou aux personnes qui ne l'ont pas encore reçue, comme le baptême, ou à celles qui l'ont perdue après en avoir été favorisés, comme la pénitence. Par sacrements des vivants, on entend ceux qui sont destinés à fortifier les justes et à augmenter en eux la vie spirituelle de la grâce ; tels que sont la confirmation, l'eucharistie, etc. On les divise encore en sacrements qui se réïtèrent, c'est-à-dire qu'on reçoit plusieurs fais, comme la pénitence, l'eucharistie, l'extrême onction, et le mariage ; et en sacrements qui ne se réïtèrent point, comme le baptême, la confirmation et l'ordre. La raison de cette différence vient de ce que ces derniers impriment caractère. Voyez CARACTERE.
Les sacrements de la nouvelle loi produisent la grâce par eux-mêmes, ou, comme parlent les scolastiques, ex opère operato, c'est-à-dire par la simple application du rit extérieur. Mais agissent-ils en cette occasion comme cause physique ou comme cause morale ? L'école est partagée sur cette question ; les Thomistes soutenant que les sacrements produisent d'eux-mêmes la grâce par une influence réelle en agissant immédiatement sur l'âme ; les Scotistes au contraire prétendant que l'application et l'administration extérieure des sacrements déterminent Dieu à donner la grâce, parce qu'il s'est engagé d'une manière fixe et invariable à l'accorder à ceux qui les reçoivent dignement. Ce dernier sentiment parait le plus vraisemblable, car il n'est pas aisé de concevoir comment les sacrements qui sont des êtres corporels, peuvent immédiatement agir sur l'âme qui est une substance spirituelle.
Quoiqu'on convienne en général que Jesus-Christ a institué tous les sacrements, parce que lui seul a pu attacher à des choses corporelles et sensibles la vertu de communiquer la grâce sanctifiante, il n'est pas également constant s'il les a tous institués immédiatement, c'est-à-dire par lui-même, ou médiatement, c'est-à-dire par ses apôtres et par son Eglise. Il n'y a point de difficulté par rapport au baptême et à l'eucharistie. Quant aux autres, le sentiment le plus suivi est qu'il les a institués immédiatement, mais ce n'est pas un point de foi, puisque les Théologiens soutiennent librement le contraire.
Les sacrements sont nécessaires pour obtenir la justification, mais non pas tous au même degré. Les uns, comme le baptême et la pénitence, sont nécessaires d'une nécessité de moyen, c'est-à-dire que sans le baptême ou son désir les enfants ni les adultes ne peuvent être sauvés, non plus que les pécheurs ne peuvent être justifiés sans la pénitence ou une contrition parfaite qui en renferme le désir dans le cas de nécessité. Les autres sont nécessaires de nécessité de précepte ; les négliger ou les mépriser, c'est se retrancher volontairement à soi-même des secours spirituels que Jesus-Christ n'a pas voulu préparer en vain.
Enfin l'administration des sacrements suppose des cérémonies ou essentielles ou accidentelles prescrites par l'Eglise. Les premières qui intéressent la validité du sacrement ne doivent être omises en aucun cas. Les autres peuvent être supprimées dans le cas de nécessité. Voyez CEREMONIE.
SACREMENS, (Histoire ecclésiastique) les différentes sectes des chrétiens ont beaucoup varié sur le nombre des sacrements ; et pour abréger ce sujet dont le détail serait très-étendu, je me contenterai de dire que les Chrétiens de S. Thomas ne reconnaissent que trois sacrements, le baptême, l'ordre et l'eucharistie. S. Bernard mettait au nombre des sacrements la cérémonie de laver les pieds qui se pratique le jeudi-saint. Damien établissait douze sacrements. Isidore de Séville ne compte pour sacrements que le baptême, le chrême et l'eucharistie. Les Arméniens en général ne mettent point la confirmation et l'extrême-onction entre les sacrements ; mais Vardanès, un de leurs docteurs, établit sept sacrements, savoir le baptême, la célébration de la liturgie, la bénédiction du myron, l'imposition des mains, le mariage, l'huîle dont on oint les malades, et la cérémonie des funérailles. (D.J.)