S. f. (Mathématiques) comme on compare deux grandeurs d'où résulte un rapport ou une raison (voyez RAISON, RAPPORT) ; aussi l'on peut comparer deux rapports d'où résulte une proportion, lorsque les rapports comparés, ou ce qui est la même chose, leurs exposans se trouvent égaux.

Chaque rapport ayant deux termes, la proportion en a essentiellement quatre ; le premier et le dernier sont nommés extrêmes ; le second et le troisième moyens. La proportion présentée sous cette forme est dite discrette. Si les deux moyens sont égaux, on peut supprimer l'un ou l'autre, et la proportion n'offre plus que trois termes ; mais alors celui du milieu est censé double et appartenir aux deux raisons ; à la première comme conséquent, et à la seconde comme antécédent. En ce dernier cas, la proportion prend le nom de continue, et est une véritable progression. Voyez PROGRESSION.



La proportion ainsi que le rapport, est ou arithmétique, ou géométrique.

Proportion arithmétique. Saient les deux rapports arithmétiques et ; leurs exposans, ou plus proprement leurs différences, sont b - a, et d - c ; or si b - a = d - c, les quatre termes qui les expriment peuvent être disposés en proportion. Pour cela il suffit d'écrire les deux rapports à la suite l'un de l'autre, les séparant par trois points disposés en triangle(), ou simplement par deux (:), a. b : c. d... ce qui s'énonce ainsi : a est à b comme c est à d, et signifie que dans l'un et dans l'autre rapport chaque conséquent surpasse son antécédent, ou en est surpassé précisément de même quantité.

Pour rendre général ce que nous avons à dire, nous n'emploierons pour exemple que la proportion algébrique a. b : c. d ; mais on peut, pour aider l'imagination, y substituer telle proportion numérique qu'on voudra, et appliquer à celle-ci tout ce que nous dirons de l'autre. On en usera de même lorsqu'il s'agira plus bas de la proportion géométrique.

Si a. b : c. d, on a (par la définition) b - a = d - c ; ajoutant à chaque membre de cette égalité, elle devient b + c = a + d ; en sorte que le premier membre contient la somme des deux moyens, et le second celle des deux extrêmes ; c'est-à-dire qu'en toute proportion arithmétique, la somme des extrêmes est égale à celle des moyens. Ce qu'on pourrait encore démontrer de cette autre manière.

Sait b - a = m, on aura aussi d - c = m ; d'où l'on tire b = a + m, et d = c + m : et substituant ces valeurs de b et de d dans la proportion a. b : c. d, elle se change en celle-ci, a.a + m : c. c + m, où il n'entre plus que les antécédents a et c, et la différence commune m. Or il est évident que la somme des extrêmes est non-seulement égale, mais identique à celle des moyens.

Dans la proportion continue, b étant égal à c, b + c = 2 c = a + d ; c'est-à-dire qu'alors la somme des extrêmes est égale au double du terme moyen.

Réciproquement si l'on a b + c = a + d, en ôtant de chaque membre, vient b - a = d - c, et par conséquent a. b : c. d ; c'est-à-dire que toute égalité (dont chaque membre est un binome) représente par l'un de ses membres la somme des moyens, et par l'autre celle des extrêmes d'une proportion, dans laquelle conséquemment elle peut se résoudre ; et comme d'ailleurs il est aisé de réduire chaque membre de toute égalité à être un binome (sans altérer sa valeur), la proposition devient générale.

Il suit qu'ayant une proportion, de quelque manière qu'on juge à propos d'en déplacer les termes, pourvu qu'après le déplacement, les moyens restent toujours moyens, ou deviennent tous deux extrêmes, il y aura encore proportion, puisque l'égalité entre la somme des extrêmes et celle des moyens n'en sera point troublée. Je dis qu'il y aura proportion, mais ce ne sera pas toujours la même ; c'est-à-dire que les rapports pourront changer, quoiqu'ils restent toujours égaux entr'eux.... On verra plus bas de combien de manières se peuvent faire ces déplacements, lorsqu'il s'agira de la proportion géométrique, pour laquelle ils sont plus d'usage que pour l'Arithmétique.

Puisque b + c = a + d, d = b + c - a, ayant donc les trois premiers termes (a. b : c) d'une proportion, on en trouvera toujours le quatrième d, en ôtant le premier de la somme des moyens. On voit qu'il ne serait pas plus difficîle d'en trouver tel autre terme qu'on voudrait, dès qu'on connaitrait les trois autres et l'ordre qu'ils gardent entr'eux dans la proportion.

Proportion géométrique. Saient les deux rapports géométriques et , leurs exposans sont b/a et d/c : or si b/a = d/c, les quatre termes qui les expriment peuvent être disposés en proportion. Pour cela il suffit d'écrire les deux rapports à la suite l'un de l'autre, les séparant par quatre points (: :), a. b : : c. d ; ce qui s'énonce ainsi : a est à b comme c est à d, et signifie ici que dans l'un et dans l'autre rapport, chaque conséquent contient son antécédent, ou y est contenu précisément de la même manière.

Si a.b : : c.d, on a (par la définition) b/a = d/c ; multipliant par a c chaque membre de cette égalité, elle se change en b c = a d ; en sorte que le premier membre contient le produit des deux moyens, et le second celui des deux extrêmes ; c'est-à-dire qu'en toute proportion géométrique, le produit des extrêmes est égal à celui des moyens. Ce qu'on pourrait encore démontrer de cette manière.

Sait b/a = m, on aura aussi d/c = m ; d'où l'on tire b = a m, et d = c m : et substituant ces valeurs de b et de d dans la proportion, a. b : : c. d ; elle se change en celle-ci, a. a m : : c. c m, où il est évident que le produit des extrêmes est non-seulement égal, mais identique à celui des moyens.

Dans la proportion continue b = c, d'où b c = c c = a d ; c'est-à-dire qu'alors le produit des extrêmes est égal au carré du terme moyen.

Réciproquement si l'on a b c = a d, divisant chaque membre par , vient b/a = d/c, et par conséquent a. b : : c. d ; c'est-à-dire que toute égalité (dont chaque membre est un produit de deux dimensions), peut se résoudre en une proportion, dont le produit des moyens est représenté par l'un des membres de l'égalité, et celui des extrêmes par l'autre. Et comme il est toujours aisé de réduire chaque membre de toute égalité à être un produit de deux dimensions (sans altérer sa valeur), la proposition devient générale.

Il suit qu'ayant une proportion, de quelque manière qu'on juge à propos d'en déplacer les termes, pourvu qu'après le déplacement les termes de même nom le conservent ou en changent tous deux, il y aura encore proportion, puisque l'égalité entre le produit des extrêmes et celui des moyens n'en sera point troublée. Mais la proportion ne sera pas toujours la même, c'est-à-dire que les rapports pourront changer, quoiqu'ils restent toujours égaux entr'eux.

La proportion fondamentale étant a. b : : c. d, il y a sept manières d'en déplacer les termes, sous la condition prescrite ; mais de ces sept manières, il n'y en a que deux qui aient mérité l'attention des anciens géomètres, et auxquelles il leur ait plu de donner des noms particuliers.

Ils nomment alternando ou permutando celle-ci, a. c : : b. d, où l'on ne fait que transposer entr'eux les deux moyens.

Ils nomment invertendo cette autre, b. a : : d. c, où l'on ne fait que renverser chacun des deux rapports primitifs, mettant le conséquent à la place de l'antécédent, et réciproquement.

De la même proportion originaire, a. b : : c. d, en combinant diversement entr'eux par addition ou par soustraction, les antécédents et les conséquents, on en conclut encore plusieurs autres, et la légitimité de la conclusion se prouve en faisant voir (ce qui est très-facile) que la somme des extrêmes y est égale à celle des moyens.

1°. (En prenant pour l'antécédent de chaque raison la somme ou la différence des deux termes qui la composent), a + b . b : : c + d . d... c'est ce que les Géomètres nomment componendo si c'est le signe + qu'on emploie, et dividendo si c'est le signe -.

2°. (En prenant au contraire pour conséquent de chaque raison la somme ou la différence des deux termes qui la composent), a . a + b : : c . c + d... c'est ce qu'on appelle convertendo.

3°. (En substituant à l'antécédent de la première raison la somme ou la différence des antécédents, et au conséquent la somme ou la différence des conséquents ; et prenant pour la seconde raison l'une ou l'autre des deux primitives) a + c . b + d : : . Il résulte de ce dernier mode, que la somme des antécédents est à celle des conséquents, comme celui qu'on voudra des antécédents est à son conséquent particulier. (Proposition qui a son usage).

Puisque (suprà) b c = a d, d = . Ayant donc les trois premiers termes (a. b : : c) d'une proportion, on trouvera toujours le quatrième d, en divisant le produit des moyens par le premier. C'est le fondement de cette règle si connue et d'un si grand usage, qu'on nomme règle de trois. Voyez son article. On voit au reste qu'il ne serait pas plus difficîle de trouver tel autre terme qu'on voudrait de la proportion, dès qu'on connaitrait les trois autres, et l'ordre qu'ils y gardent entr'eux.

Deux proportions, a. b : : c. d, et e. f : : g. h, étant données, si l'on multiplie par ordre les termes de l'une par ceux de l'autre, les produits seront encore en proportion, et l'on aura a e. b f : : c g. d h.... On l'aura prouvé, si l'on fait voir que a e d h = b f c g, ou ce qui est la même chose, que a d x e h = b c x f g : or c'est ce qui est évident ; car 1°. a d = b c, puisque a. b : : c. d ; 2°. e h = f g, puisque e. f : : g. h. Mais les facteurs d'une part étant égaux aux facteurs de l'autre, les produits eux-mêmes ne peuvent manquer de l'être.

Ce qu'on vient de dire de deux proportions doit s'entendre de 3, de 4, &c... Si, au lieu de les multiplier, on les divise l'une par l'autre, les quotiens seront pareillement en proportion ; et on le démontrera par la même méthode et avec la même facilité.

Il suit que des racines proportionnelles donnent des puissances qui le sont aussi, et réciproquement ; car les puissances ne sont que des produits, comme les racines ne sont que des quotiens, d'une espèce particulière à la vérité, mais dont la singularité ne les soustrait pas à la loi générale qu'on vient d'établir. (Article de M. RALLIER DES OURMES )

PROPORTION HARMONIQUE ou MUSICALE, est une troisième espèce de proportion qui se forme des deux précédentes en cette sorte : si trois nombres sont tels, que le premier soit au troisième, comme la différence du premier et du second est à la différence du second et du troisième, ces trois nombres sont en proportion harmonique.

Ainsi les nombres 2, 3, 6, sont en proportion harmonique, parce que 2 : b : : 1. 3 ; de même aussi quatre nombres sont en proportion harmonique quand le premier est au quatrième, comme la différence du premier et du second est à la différence du troisième et du quatrième.

Ainsi 24, 16, 12, 9, sont en proportion harmonique, parce que 24 : 9 : : 8 : 3.

Si on continue la proportion dans le premier de ces deux cas, on formera une progression ou serie harmonique. Voyez SERIE ou SUITE.

1. Si trois ou quatre nombres en proportion harmonique, sont multipliés ou divisés par le même nombre, les produits ou quotiens seront aussi en proportion harmonique ; ainsi les nombres 6, 8, 12, qui sont en proportion harmonique étant divisés par 2, les quotiens 3, 4, 6, seront encore harmoniquement proportionnels, comme aussi les produits des nombres 6, 8, 12, par 2 ; c'est-à-dire 12, 16, 24.

2. Pour trouver un nombre moyen proportionnel harmonique entre deux nombres donnés, divisez le double du produit des deux nombres par leur somme, le quotient est le nombre cherché ; ainsi supposons que les nombres donnés soient 3 et 6, leur produit est 18, et le double de ce produit est 36, qui divisé par la somme 9 des deux nombres, donne 4 pour quotient ; donc 3 : 4 : 6, sont en proportion harmonique. La raison de cette opération est facîle à trouver ; soit x le nombre cherché, a et b les deux nombres donnés, on a a : b : : x - a : b - x ; donc a b - a x = b x - a b ; donc x = <2ab/a+b> ; on peut démontrer à peu-près par la même méthode les propositions suivantes.

Pour trouver un nombre qui soit troisième proportionnel harmonique à deux nombres donnés, appelez un des nombres donnés le premier terme, et l'autre le second, ensuite multipliez-les l'un par l'autre, et divisez le produit par ce qui reste après que le second est soustrait du double du premier, le quotient sera le nombre cherché. Supposons par exemple que les deux termes donnés soient 3 et 4, leur produit 12 étant divisé par 2 (qui est la différence du second terme 4, du double 6, du premier terme 3), on aura pour quotient 6, et par conséquent 3, 4, 6, sont en proportion harmonique ; en général soient a, b les deux premiers nombres, x le troisième, on aura a : x : : b - a : x - b, donc a x - a b = b x - a Xe donc x = .

4. Pour trouver un quatrième proportionnel harmonique à trois nombres donnés, multipliez le premier par le troisième, et divisez le produit par le nombre qui restera après avoir soustrait le terme du milieu du double du premier, le quotient sera le nombre cherché ; par exemple, les trois nombres 9, 12, 16, auront suivant cette règle, le nombre 24 pour quatrième proportionnel harmonique.

5. Si on prend un nombre moyen proportionnel arithmétique entre deux nombres, et un moyen proportionnel harmonique entre les deux mêmes nombres, les quatre nombres seront en proportion géométrique ; ainsi entre 2, 6, le moyen arithmétique est 4, et le moyen harmonique est 3, par conséquent 2 : 3 : : 4 : 6. En général le moyen proportionnel arithmétique est , et le moyen proportionnel harmonique est <2ab/a+b>, donc : a : : b : : <2ab/a+b>.

Il y a entre les trois sortes de proportions dont nous venons de parler, cette différence remarquable, qu'une progression arithmétique commençant par un nombre donné, peut être croissante à l'infini, mais non décroissante, que la progression harmonique peut décroitre, mais non croitre à l'infini ; qu'enfin la progression géométrique peut également croitre à l'infini, et décroitre de même. Voyez PROGRESSION.

PROPORTION CONTREHARMONIQUE, voyez CONTREHARMONIQUE.

PROPORTION, se dit aussi du rapport qu'il y a entre des choses inégales de la même espèce, et par lequel leurs différentes parties correspondent les unes aux autres par une augmentation ou diminution égale.

Ainsi en réduisant une figure en petit, ou en l'agrandissant, on doit avoir soin d'observer que la diminution ou l'agrandissement, soit les mêmes à proportion dans toutes les parties ; en sorte que si une des lignes, par exemple, est diminuée du tiers de sa longueur, toutes les autres soient aussi diminuées chacune du tiers de leur longueur.

Pour ces sortes de réductions on fait beaucoup d'usage du compas de proportion. Voyez COMPAS, voyez aussi ECHELLE, PLAN, CARTE, REDUCTION, etc. Chambers. (E)

Au mot CONSONNANCE, nous avons promis de parler ici d'un ouvrage donné il y a quelques années, par M. Briseux, architecte, dans lequel il se propose de prouver que les belles proportions en Architecture sont les mêmes que celles qui produisent les consonnances en musique. Cela n'est pas fort surprenant ; car les proportions qui forment les consonnances sont formées par des rapports très-simples, savoir 2/1, 3/2, 5/4, 6/5, etc. et il n'est pas surprenant que ces mêmes rapports, très-simples, plaisent aussi en Architecture, parce que l'oeil les saisit aisément. Il ne faut cependant pas pousser trop loin ce principe des proportions, ni en abuser, soit dans la théorie de la Musique, soit dans celle des autres arts. On peut voir sur cela l'article CONSONNANCE, et l'article FONDAMENTAL, pag. 62 du VII. volume. (O)

PROPORTION, (Log. Métaphys.) conformité de relation entre diverses choses, lorsque l'esprit pensant à deux objets, a conçu un rapport entre ces deux objets, et que pensant à deux autres choses, il y trouve aussi du rapport entr'elles ; cette conformité de pensées et de relations s'appelle proportion. (D.J.)

PROPORTION, (Beaux-arts) rapport, convenance du tout et des parties entr'elles dans les ouvrages de gout.

L'unité et la variété produisent la symétrie et la proportion : deux qualités qui supposent la distinction et la différence des parties, et en même temps un certain rapport de conformité entr'elles. La symétrie partage, pour ainsi dire l'objet en deux, place au milieu les parties uniques, et à côté celles qui sont répétées ; ce qui forme une sorte de balance et d'équilibre qui donne de l'ordre, de la liberté, de la grâce à l'objet. La proportion Ve plus loin, elle entre dans le détail des parties qu'elle compare entr'elles et avec le tout, et présente sous un même point de vue l'unité, la variété, et le concert agréable de ces deux qualités entr'elles ; telle est l'étendue de la loi du goût par rapport au choix et à l'arrangement des parties des objets. La perfection consiste dans la variété, l'excellence, la proportion, la symétrie des parties réunies dans l'ouvrage de l'art aussi naturellement qu'elles le sont dans un tout naturel. (D.J.)

PROPORTION, (Architecture) c'est la justesse des membres de chaque partie d'un bâtiment, et la relation des parties au tout ensemble ; comme, par exemple, une colonne dans ses mesures, par rapport à l'ordonnance du bâtiment ; c'est aussi la différente grandeur des membres d'architecture et des figures, selon qu'elles doivent paraitre dans leur point de vue. Ceci est une chose absolument soumise à cette partie de l'optique, qu'on appelle la perspective. Comme les règles de cette science sont connues et démontrées ; voyez PERSPECTIVE dans le Dictionnaire universel de Mathématique et de Physique ; il est étonnant que les Architectes soient partagés sur la proportion des membres d'architecture, par rapport à leur point de vue ; cependant les uns prétendent qu'ils doivent augmenter, suivant leur exhaussement, et les autres qu'ils doivent rester dans leur grandeur naturelle. Voyez le cours d'Architecture de M. Blondel, V. Partie ; les notes de M. Perrault, sur Vitruve ; et son ouvrage intitulé, Ordonnance des cinq espèces de colonnes. Daviler. (D.J.)

PROPORTION DE TUYAUX, (Hydraulique) Voyez TUYAU.

PROPORTION, (Jardinage) la proportion ordinaire des jardins d'une médiocre étendue, est d'être un tiers plus longs que larges et même de la moitié, afin que les pièces en deviennent barlongues et plus agréables. Quand une place présente une forme deux fois plus longue que large, elle ne forme qu'un boyau.

Cette régle, au reste, n'a lieu qu'à l'égard des petits jardins.

Dans les pièces découvertes d'un jardin, comme seraient deux bosquets découverts sur les ailes d'un parterre ; il faut une certaine proportion, afin que l'on ne fasse pas paraitre petite la pièce qui accompagne ce parterre ; l'économie et le bon goût doivent décider dans cette occasion.

Si l'on veut pratiquer dans un bosquet une salle de verdure, et dans le milieu un bassin ou pièce d'eau, loin de consommer pour cette salle la plus grande partie du terrain, en ôtant ce qui est nécessaire pour garnir le bois, il faut au contraire proportionner la grandeur de cette salle ou de la pièce d'eau à l'étendue du bois.

PROPORTION, (Peinture) la proportion consiste dans les différentes dimensions des objets comparées entr'elles.

M. de Watelet dont nous tirerons cet article, croit que les premières idées d'imitations dans la sculpture et dans la peinture, se sont portées naturellement à faire les copies égales aux objets imités : l'opération d'imiter de cette manière est moins compliquée ; par conséquent elle est plus facile. Elle est moins compliquée en ce que, par l'effet d'une relation immédiate, on exécute simplement ce que l'on voit, comme on le voit. Par cela même, elle est plus facile. Elle l'est encore, parce qu'à l'aide des mesures les plus simples, on peut s'assurer si l'on a réussi, et se corriger si l'on s'est trompé.

Les mesures sont donc les moyens par lesquels on parvient à s'instruire des proportions, et à en donner des idées justes.

Nous n'avons point de détails écrits sur les mesures que les Grecs emploient à régler la proportion ; leurs ouvrages didactiques sur les arts ne sont pas parvenus jusqu'à nous ; mais nous connaissons leurs statues. Heureux dans la part que la fortune nous a faite, nous ne devons pas nous en plaindre. Les beaux ouvrages valent mieux que les préceptes.

Les Allemands et les Italiens qui ont travaillé sur cette partie, tels qu'Albert Durer et Paul Lomazzo, font servir à mesurer le corps humain, une partie même de ce corps. Cette mesure est une espèce de mesure universelle qui n'a rien à craindre des changements d'usage, ou des variétés de domination.

Les uns mesurent la figure par le moyen de la longueur de la face : ce qu'on appelle la face, c'est l'espace renfermé depuis le menton inclusivement, jusqu'à l'origine des cheveux qui est le haut du front. D'autres prennent pour mesure la longueur de la tête entière ; c'est-à-dire une ligne droite, qui, de la hauteur du dessus de la tête, se termine à l'extrémité du menton.

On sent qu'on ne doit pas mettre une importance considérable dans le choix de ces manières de mesurer ; et que chaque artiste peut à son gré, choisir dans celles qu'on a imaginées, ou s'en faire une qui lui convienne.

Ce qui est certain, c'est que le trop grand détail des mesures est sujet à erreurs ; l'occasion la plus ordinaire de ces erreurs se présente, lorsqu'on mesure les parties qui ont du relief. Il est très-facîle alors d'attribuer à la longueur d'un membre, l'étendue des contours occasionnés par les gonflements accidentels des muscles et des chairs.

Au reste, il est très-peu d'usage d'employer en peinture les mesures détaillées, parce qu'elles ne peuvent avoir lieu lorsqu'un objet se présente en raccourci. D'ailleurs, leur usage froid et lent ne convient guère à un art qui veut beaucoup d'enthousiasme. Il faut cependant que les peintres aient une connaissance réfléchie de ces mesures, et qu'ils les aient étudiées en commençant à dessiner.

Le moyen de rendre l'étude des mesures réellement utile, est de la fonder premièrement, sur l'ostéologie.

Les os sont la charpente du corps ; les lois de proportion que suit la nature dans les dimensions du corps et des membres, sont contenues dans l'extension qu'elle permet, et sont spécifiées dans les accroissements limités qu'elle accorde aux parties solides. C'est en conséquence de ces accroissements limités et successifs, que la nature ne se montre point uniforme dans les proportions du corps humain. Elle les varie principalement par les différents caractères qui sont propres aux différents âges de la vie.

Première variété des proportions du corps, n'est point le diminutif exact des âges subséquents. L'enfance, à l'égard des proportions du corps, n'est point le diminutif exact des âges subséquents. Il ne s'agit donc pas pour représenter un enfant, de diminuer la taille d'un homme ; car alors on ne représenterait qu'un petit homme, et non pas un enfant.

La tête, par exemple, est dans l'enfance beaucoup plus grosse, que dans les autres âges, par proportion aux autres parties. A trois ans la longueur de la tête, cinq fois répétée, forme toute la hauteur d'un enfant. A quatre, cinq et six ans, la hauteur est de six jusqu'à six têtes et demie ; au lieu que dans l'âge fait, les proportions adoptées sont huit têtes pour la grandeur totale.

La porportion de sept têtes et deux parties, c'est-à-dire sept têtes et demie convient à un jeune homme à la fleur de son âge, et dont l'éducation efféminée n'a pas permis aux fatigues et aux exercices violents, le soin de développer entièrement ses ressorts ; c'est ainsi que se trouvent proportionnés l'Antinous du vatican, et le Petus de la vigne Ludovise.

La proportion de huit têtes pour la figure entière, est propre à représenter la stature d'un jeune homme dans la force de son âge, et dans l'exercice des armes ; c'est celle qui a été observée dans la statue du gladiateur mourant, qu'on voyait à Rome dans la vigne Ludovise, et qui se voit présentement dans le capitole. Cette proportion est développée, svelte, légère, telle que l'offre la jeunesse exercée, car le développement de l'esprit s'opère par l'usage fréquent de ses facultés.

L'âge viril se caractérise par une dimension moins allongée. La statue d'Hercule, qu'on nomme l'Hercule Farnese, a sept têtes, trois parties, sept modules. Il semblerait que l'artiste aurait voulu faire sentir par cette diminution, la consistance, et pour parler ainsi, l'appui que laissent prendre aux hommes de cet âge leurs mouvements plus réfléchis, et moins impétueux.

L'approche de la vieillesse doit donner encore un caractère plus carré, qui dénote l'appesantissement des parties solides. Le Laocoon n'a que sept têtes, deux parties, trois modules.

Dans l'extrême vieillesse enfin, le dépérissement réel occasionne différents changements dans la proportion qui ne doivent plus être évalués.

L'artiste qui ne doit rien négliger de ce qui peut rendre ses figures caractérisées, évite de se borner à une seule proportion dans toutes ses figures ; et suivant l'exemple qu'en donne surtout Raphaël, il assortit, à chaque âge, la proportion et le caractère qui lui conviennent.

Différence de proportions occasionnée par la différence du sexe. Les variétés dans les proportions sont encore occasionnées par la différence du sexe.

Indépendamment de la hauteur totale qui est moindre dans les femmes, elles ont le col plus allongé, les cuisses plus courtes, les épaules et le sein plus serrés, les hanches plus larges, les bras plus gros, les jambes plus fortes, les pieds plus étroits : leurs muscles moins apparents rendent les contours plus égaux, plus coulants, et les mouvements plus doux.

Les jeunes filles ont la tête petite, le col allongé, les épaules abaissées, le corps menu, les hanches un peu grosses et les pieds petits.

Les anciens donnent sept têtes et trois parties de hauteur à Vénus : telle est la statue de Vénus Médicis, et la proportion de la déesse Beauté.

La statue qu'on connait sous le nom de la Bergère grecque, qui peut-être est Diane, ou une de ses nymphes sortant du bain, a dans la proportion de sept têtes trois parties et six modules, un caractère qu'elle doit sans doute à l'exercice de la chasse, et aux danses qui devaient rendre la taille des nymphes svelte et agile.

Peut-être trouverait-on aussi dans les proportions des Minerves, des Junons, et des Cybeles, ces petites différences, qui, lorsque les arts sont arrivés à leur perfection, établissent des nuances moins sensibles à l'oeil qui calcule, qu'au sentiment qui saisit, et au goût qui discerne.

L'âge et le sexe n'ont pas le droit exclusif de caractériser les proportions du corps humain. Le rang, la condition, la fortune, le climat et le tempérament contribuent à causer, dans le développement des proportions, des différences sensibles.

Il n'est pas nécessaire que les artistes s'appesantissent sur les effets de toutes ces causes, mais il ne peut être qu'agréable pour eux, et avantageux pour leur art, de faire des réflexions, et surtout des observations, dont les occasions se présentent continuellement dans la vie civile.

Ils remarqueront, par exemple, qu'il est des hommes dont la constitution et le tempérament occasionnent une proportion pesante. Leurs muscles paraissent peu distincts les uns des autres : ils ont la tête grosse, le cou court, les épaules hautes, l'estomac petit, les cuisses et les genoux gros, les pieds épais. Et c'est ainsi que l'artiste grec, en ne faisant qu'effleurer toutes ces particularités, a caractérisé le jeune faune. Ils verront qu'il en est d'autres, d'après lesquels sans doute les anciens caractérisaient leurs héros et leurs demi-dieux, qui dans une conformation toute différente, ont les articulations des membres bien nouées, serrées, peu couvertes de chair, la tête petite, le col nerveux, les épaules larges et hautes, la poitrine élevée, les hanches et le ventre petits, les cuisses musclées, les principaux muscles relevés et détachés, les jambes seches par en-bas, les pieds minces, et la plante des pieds creuse.

Il n'est que trop vraisemblable que les mœurs occasionnent insensiblement des variétés physiques dans la constitution et dans le développement de la forme du corps. Les délicatesses qui président à l'enfance distinguée ou opulente, l'aversion des exercices du corps, qui détermine la jeunesse voluptueuse à partager les délices et la nonchalance des femmes, l'engourdissement prématuré, qui, dans l'âge viril, succede à l'abus excessif des plaisirs ; enfin la caducité précoce qui se fait sentir par une influence plus prompte et plus pesante dans les villes capitales des nations florissantes que partout ailleurs, doit de génération en génération, abattardir les races, et changer peut-être les proportions des corps.

Je ne parle pas des extravagances des modes, parce qu'elles n'ont point d'empire réel sur les dimensions que la nature a fixées : cependant elles en imposent trop souvent aux artistes assez faibles pour s'y prêter, à rendre plus vagues les idées de proportion, qu'il serait à souhaiter, pour le progrès des arts, qu'on eut incessamment présentes dans leur plus grande exactitude.

On a considéré jusqu'ici, en parlant des proportions, le corps en repos ; ajoutons que le mouvement y occasionne des changements très-distincts et très-apparents.

Un membre étendu pour donner et recevoir, éprouve, par exemple, un accroissement ; et l'on observe une infinité de ces anomalies ou irrégularités dans les actions de compression, de relâchement, d'extension, de fléchissement, de contraction et de raccourcissement.

Un homme assis à terre, qui se presse et fait effort pour ajuster à sa jambe une chaussure étroite, éprouve un raccourcissement d'un sixième dans la partie antérieure du corps ; tandis que par un effet contraire, son bras en se courbant, s'allonge d'une huitième partie, parce que la tête de l'os du coude se développe, et se montre pour ainsi dire hors de son articulation. On peut observer la même extension dans le calcaneum ou talon, lorsqu'on plie le cou-de-pié.

Il est évident, par ces exemples, que les passions dont les mouvements sont violents, doivent occasionner des différences sensibles dans les proportions : s'il est possible de les apercevoir, il est bien difficîle de les réduire en calculs.

Toutes ces variétés de proportion sont principalement l'ouvrage de la nature ; mais l'art qui est son émule, ne pourrait-il pas prétendre aussi au droit d'en opérer, lorsqu'il les croit favorables à ses illusions ? Ne pourrait-on pas établir une théorie des rapports, qui s'exerçât sur la diversité des positions, et des lieux où l'on place les ouvrages des arts ? Le vague de l'air, les oppositions des fabriques ou des arbres, les lieux vastes ou renfermés, élevés ou profonds, les expositions aux différents aspects du soleil, le voisinage des montagnes, des rochers, ou l'isolement dans une plaine ; voilà quels seraient les points de différences à établir, et peut-être de changements à se permettre dans quelques-unes des dimensions reçues. Mais si l'art doit être flatté de pouvoir, pour ainsi dire, ajouter quelquefois à la nature, il doit être intimidé des risques qu'il court, lorsqu'il ose regarder les licences comme des sources particulières de beauté.

Après tout, il ne faut jamais oublier que la justesse des proportions, autrement la correction du dessein, est pour les parties d'une seule figure, ce qu'est l'ordonnance pour les figures prises dans la totalité. Parrhasius fut le premier qui en donna les règles et la méthode pour la peinture, et Euphranor les appliqua le premier à la peinture encaustique. Pline avertit pourtant que le même Parrhasius donnait trop peu d'étendue, en comparaison du reste, aux parties du milieu des figures, et ce qui revient au même, qu'Euphranor donnait trop d'étendue à ses têtes et aux emmanchements des membres. Asclépiodore ne méritait ni l'un ni l'autre reproche, puisqu'Apelle convenait lui-même de la supériorité de cet artiste sur tous les autres, pour la justesse des proportions. (D.J.)