S. m. en Mécanique, signifie une égalité de force exacte entre deux corps qui agissent l'un contre l'autre. Une balance est en équilibre quand les deux parties se soutiennent si exactement, que ni l'une ni l'autre ne monte ni ne descend, mais qu'elles conservent toutes deux leur position parallèle à l'horizon. C'est de-là que le mot équilibre tire son étymologie, étant composé de aequus, égal, et libra, balance. C'est pourquoi aussi on se sert souvent du mot balancer ou contre-balancer pour désigner l'équilibre. Voyez BALANCE et LEVIER.



En général, la partie de la Mécanique qu'on appelle statique, a pour objet les lois de l'équilibre des corps.

Pour que deux corps ou deux forces se fassent équilibre, il faut que ces forces soient égales, et qu'elles soient directement opposées l'une à l'autre.

Lorsque plusieurs forces ou puissances agissent les unes contre les autres, il faut commencer par réduire deux de ces puissances à une seule, ce qui se fera en prolongeant leurs directions jusqu'à ce qu'elles se rencontrent, et cherchant ensuite par les règles de la composition des forces la direction et la valeur de la puissance qui résulte de ces deux-là ; on cherchera ensuite de la même manière la puissance résultante de cette dernière, et d'une autre quelconque des puissances données, et en opérant ainsi de suite, on réduira toutes ces puissances à une seule. Or pour qu'il y ait équilibre, il faut que cette dernière puissance soit nulle, ou que sa direction passe par quelque point fixe qui en détruise l'effet.

Si quelques-unes des puissances étaient parallèles, il faudrait supposer que leur point de concours fût infiniment éloigné, et on trouverait alors facilement la valeur de la puissance qui en resulterait et sa direction. Voyez la Mécanique de Varignon.

Le principe de l'équilibre est un des plus essentiels de la Mécanique, et on y peut réduire tout ce qui concerne le mouvement des corps qui agissent les uns sur les autres d'une manière quelconque. Voyez DYNAMIQUE.

Il y a équilibre entre deux corps, lorsque leurs directions sont exactement opposées, et que leurs masses sont entr'elles en raison inverse des vitesses avec lesquelles ils tendent à se mouvoir. Cette proposition est reconnue pour vraie par tous les Mécaniciens. Mais il n'est peut-être pas aussi facîle qu'ils l'ont cru, de la démontrer en toute rigueur, et d'une manière qui ne renferme aucune obscurité. Aussi la plupart ont-ils mieux aimé la traiter d'axiome que de s'appliquer à la prouver. Cependant, si on y veut faire attention, on verra qu'il n'y a qu'un seul cas où l'équilibre se manifeste d'une manière claire et distincte, c'est celui où les deux corps ont des masses égales et des vitesses de tendance égales et en sens contraires. Car alors il n'y a point de raison pour que l'un des corps se meuve plutôt que l'autre. Il faut donc tâcher de réduire tous les autres cas à ce premier cas simple et évident par lui-même ; or c'est ce qui ne laisse pas d'être difficile, principalement lorsque les masses sont incommensurables. Aussi n'avons-nous presque aucun ouvrage de Mécanique, où la proposition dont il s'agit soit prouvée avec l'exactitude qu'elle exige. La plupart se contentent de dire que la force d'un corps est le produit de sa masse par sa vitesse, et que quand ces produits sont égaux, il doit y avoir équilibre, parce que les forces sont égales ; ces auteurs ne prennent pas garde que le mot de force ne présente à l'esprit aucune idée nette, et que les Mécaniciens même sont si peu d'accord là-dessus, que plusieurs prétendent que la force est le produit de la masse par le carré de la vitesse. Voyez FORCES VIVES. Dans mon traité de Dynamique, imprimé en 1743, page 37 et suiv. j'ai tâché de démontrer rigoureusement la proposition dont il s'agit, et j'y renvoye mes lecteurs ; j'ajouterai seulement ici les observations suivantes.

1°. Pour démontrer le plus rigoureusement qu'il est possible la proposition dont il s'agit, il faut supposer d'abord que les deux corps qui se choquent soient des parallèlepipedes égaux et rectangles, dont les bases soient égales, et s'appliquent directement l'une sur l'autre ; ensuite on supposera que la base demeurant la même, un des parallèlepipedes s'allonge en même proportion que sa vitesse diminue ; par ce moyen on démontrera l'équilibre dans les parallèlepipedes de même base, en suivant la méthode de l'endroit cité dans notre traité de Dynamique.

2°. Quand un des parallèlepipedes est double de l'autre, au lieu de partager la vitesse V du petit en deux, on peut partager la masse m du grand en deux autres qui aient chacune la vitesse V /2, et dont, outre cela, la partie antérieure ait encore la vitesse V /2, et la partie postérieure la vitesse V /2 en sens contraire ; car par ce moyen les deux parties du grand corps se feront équilibre entr'elles, et il ne restera plus qu'une masse M d'une part, animée de la vitesse V, et de l'autre qu'une masse m /2 ou M animée de la vitesse V /2 + V /2 = V, c'est-à-dire que tout sera égal de part et d'autre. On peut appliquer le même raisonnement aux autres cas plus composés.

3°. Quand on aura démontré les lois de l'équilibre pour des parallèlepipedes de même base, on les démontrera pour des parallèlepipedes de bases différentes, en employant le principe suivant : si deux parallèlepipedes, égaux, rectangles, et semblables, sont fixés aux deux extrémités d'un levier, et qu'entre ces deux parallèlepipedes on en place deux autres à égale distance des extrémités du levier, et qui agissent en sens contraire aux deux premiers, avec la même vitesse de tendance, il y aura équilibre ; proposition dont la vérité ne sera point contestée, mais qu'il est peut-être difficîle de démontrer rigoureusement. Sur quoi voyez l'article LEVIER.

4°. On applique ensuite cette même proposition pour demontrer l'équilibre des corps de figure quelconque, dont les masses sont en raison inverse de leurs vitesses, et qui agissent l'un sur l'autre suivant des lignes qui passent par leur centre de gravité. Par le moyen de ces différents théoremes on aura démontré rigoureusement et sans restriction la loi de l'équilibre dans les corps qui se choquent directement. A l'égard de l'équilibre dans le levier, et autres machines, voyez LEVIER, POULIE, FORCES MOUVANTES, ROUE, COIN, MACHINE FUNICULAIRE, VIS, etc.

5°. On a demandé plusieurs fois si les lois du choc des corps sont telles qu'il ne put pas y en avoir d'autres. Nous avons démontré au mot DYNAMIQUE, que les lois du choc dépendent de celles de l'équilibre ; ainsi la question se réduit à savoir, si les lois de l'équilibre sont telles qu'il ne puisse pas y en avoir d'autres ; or les lois de l'équilibre se réduisent, comme nous avons Ve dans cet article, à l'équilibre de deux corps égaux et semblables, animés en sens contraire de vitesses de tendance égales. Tout se reduit donc à savoir, s'il peut encore y avoir équilibre dans d'autres cas ; c'est-à-dire par exemple si deux corps égaux dont les vitesses contraires sont inégales, pourront se faire absolument équilibre, ou ce qui est la même chose, comme il est aisé de le voir, si un corps A animé d'une vitesse quelconque a, et venant frapper un autre corps égal en repos, les deux corps resteront en repos après le choc. Il semble que ce dernier cas est impossible ; car au lieu de supposer le second corps en repos, supposons-le animé de la vitesse- a égale et en sens contraire à la vitesse a ; il est certain d'abord que dans ce cas il y aura équilibre ; supposons à présent que dans l'instant où il est animé de la vitesse- a, par laquelle il fait équilibre au premier corps, il soit animé de la vitesse + a, il est évident 1°. que rien n'empêchant l'action de cette dernière vitesse, puisque l'autre- a est détruite par l'action du premier corps, rien n'empêchera ce second corps de se mouvoir avec la vitesse + a ; cependant ce même corps animé des vitesses + a, - a, est dans un cas semblable à celui du repos, où nous l'avons supposé, et puisqu'on suppose que ce second corps en repos ne serait point mu par le premier, ce second corps serait donc tout à la fois en repos et en mouvement, ce qui est absurde. Donc il n'y a de vrai cas d'équilibre que celui des vitesses égales et contraires. Donc, etc.

6°. Donc quand deux corps sont en équilibre, en vertu de la raison inverse de leur vitesse et de leurs masses, si on augmente ou qu'on diminue si peu qu'on voudra la masse ou la vitesse d'un des corps, il n'y aura plus d'équilibre. Il faut nécessairement supposer cette dernière proposition, pour démontrer la proposition ordinaire de l'équilibre dans le cas de l'incommensurabilité des masses, voyez page 39 de ma Dynamique ; car dans le cas des incommensurables on ne démontre que par la réduction à l'absurde ; et la seule absurdité à laquelle on puisse réduire ici, comme on le peut voir par la démonstration citée, c'est qu'une masse plus grande fait le même effet qu'une moindre avec la même vitesse. Il est assez singulier que pour démontrer une proposition nécessairement vraie, telle que celle de l'équilibre des masses en raison inverse des vitesses, il faille absolument supposer cette autre proposition qui parait moins nécessairement vraie ; qu'un corps en mouvement venant frapper un autre corps en repos, lui donnera nécessairement du mouvement. Cette connexion forcée n'est-elle pas une preuve que la seconde proposition est aussi nécessairement vraie que la première ? Il me semble que ce raisonnement n'est pas sans force, surtout si on le joint à celui de l'article 5 précédent.

De tout cela il s'ensuit, qu'il n'y a qu'une seule loi possible d'équilibre, un seul cas où il ait lieu, celui des masses en raison inverse des vitesses ; que par conséquent un corps en mouvement en mouvera toujours un autre en repos : or ce corps en mouvement, en communiquant une partie du sien, en doit garder le plus qu'il est possible, c'est-à-dire, n'en doit communiquer que ce qu'il faut pour que les deux corps aillent de compagnie après le choc avec une vitesse égale. De ces deux principes résultent les lois du mouvement et de la Dynamique ; et il résulte de tout ce qui a été dit, que ces lois sont non seulement les plus simples et les meilleures, mais encore les seules que le Créateur ait pu établir d'après les propriétés qu'il a données à la matière. Voyez DYNAMIQUE, PERCUSSION.

Sur l'équilibre des fluides, voyez FLUIDE, HYDROSTATIQUE, etc.

Au reste on ne devrait à la rigueur employer le mot équilibre, que pour désigner le repos de deux puissances ou deux corps qui sont dans un état d'effort continuel, et continuellement contre-balancé par un effort contraire, en sorte que si un des deux efforts contraires venait à cesser ou à être diminué, il s'ensuivrait du mouvement. Ainsi deux poids attachés aux bras d'une balance sont en équilibre dans le sens proprement dit : car ces deux poids agissent sans cesse l'un contre l'autre, et si vous diminuez un des poids, la balance sera en mouvement. Au contraire deux corps égaux et durs qui se choquent en sens opposés avec des vitesses égales, détruisent à la vérité leurs mouvements, mais ne sont pas proprement en équilibre, parce que l'effort réciproque des deux corps est anéanti par le choc ; après l'instant du choc ces deux corps ont perdu leur tendance même au mouvement, et sont dans un repos absolu et respectif, en sorte que si on ôtait un des corps, l'autre resterait en repos sans se mouvoir. Cependant pour généraliser les idées, et simplifier le langage, nous donnons dans cet article le nom d'équilibre à tout état de deux puissances ou forces égales qui se détruisent, soit que cet état soit instantané, soit qu'il dure aussi longtemps qu'on voudra. (O)

EQUILIBRE, (Economie animale) est un terme fort employé par Baglivi, et adopté par plusieurs physiologistes, mais dans un sens qui n'est pas exactement conforme à celui dans lequel il est usité en Mécanique et en Hydraulique.

L'égalité de forces entre des corps qui agissent les uns sur les autres par leur gravité spécifique, ou par toute autre cause, d'où résulte la cessation de leur mouvement, dès l'instant où cette égalité est établie (en quoi consiste le véritable équilibre, pris à la rigueur), ne peut pas avoir lieu dans l'économie animale, qui exige un mouvement continuel dans tous les organes nécessaires pour l'entretien de la vie, et dans tous les fluides que ces organes sont destinés à mouvoir : ainsi ce n'est pas de la théorie de l'équilibre proprement dit qu'on se propose de faire une application à la physique du corps humain.

L'auteur cité, et ceux qui admettent avec lui le terme d'équilibre dans la théorie de la Médecine, ont seulement prétendu désigner par ce terme, ou par celui d'équilibration, à défaut d'un autre plus propre, une égalité non absolue, mais respective, une proportion dans les forces actives et passives, qui peut être conçue dans toutes les parties tant solides que fluides du corps animal, par rapport à ce que chacune de ces parties doit opérer pour la fonction à laquelle elle est destinée. C'est en vertu de cette proportion de forces dans toutes les fibres qui composent les différents vaisseaux dont est formé le corps humain, que chaque fluide est retenu en quantité déterminée, est réglé dans son cours, et reçoit l'élaboration qui lui est nécessaire, dans les canaux qui lui sont propres ; en sorte qu'il est conservé entr'eux une égalité d'action et de réaction alternatives, qui ne laisse point prédominer, d'une manière durable, les parties contenues sur les parties contenantes, et réciproquement celles-ci sur celles-là, tant que l'état de santé subsiste.

Cette disposition est absolument requise pour cet effet : c'est de la différence habituelle de cette disposition dans les différents sujets, que dépend aussi la diversité des tempéraments, dont les uns sont plus ou moins robustes que les autres, selon que cette disposition est plus ou moins susceptible qu'il y soit porté atteinte par l'usage ou par l'abus des choses nécessaires à la vie, que l'on appelle dans les écoles les choses non naturelles.

Cette sorte d'équilibre, ainsi conçue dans le corps humain, peut-être considérée de trois manières différentes, par rapport aux solides comparés entr'eux, par rapport aux solides comparés avec les fluides, et par rapport aux fluides comparés entr'eux-mêmes : c'est ce qu'il est nécessaire d'expliquer.

Pour que l'équilibre, tel qu'on en a donné l'idée, relativement à l'économie animale, subsiste entre les différents organes, il faut que le tissu, le ressort de tous les vaisseaux, soit proportionné à la quantité des liquides qu'ils doivent recevoir, au mouvement qu'ils doivent communiquer à ces liquides, et à l'effort qu'ils doivent en éprouver : ainsi les vaisseaux lymphatiques, par exemple, doivent avoir autant de force d'action et de résistance que les vaisseaux sanguins, respectivement à la quantité, au mouvement et à l'effort du liquide que ceux-là reçoivent, contiennent et distribuent à des vaisseaux subalternes de différents ordres.

Ainsi dans un corps bien conformé, et jouissant d'une santé aussi parfaite qu'il est possible, tous les solides, dans les vaisseaux de toutes les espèces, doivent avoir proportionnément la même force d'action, de résistance et de réaction.

Mais pour que cette force puisse être exercée librement, il est nécessaire qu'il existe une proportion entr'elle et la quantité, la consistance des différents fluides, respectivement aux solides qu'ils contiennent ; d'où s'ensuit que l'équilibre des solides entr'eux suppose nécessairement celui des solides avec les fluides, et celui des fluides comparés les uns aux autres : par conséquent l'équilibre dont il s'agit dépend principalement de l'état des parties solides qui ont dans l'animal toute l'action, ou naturelle, c'est-à-dire élastique, ou sur-ajoutée, c'est-à-dire musculaire, tandis que les fluides n'ont que des forces passives, telles que la pesanteur, la mobilité : celle-ci même doit presque annuller les effets de celle-là ; de manière que la masse des humeurs animales ne doit avoir de poids que pour être susceptible de recevoir un mouvement réglé, pour résister à en trop prendre, et non pour suivre sa tendance comme corps grave.

On doit se représenter toutes les fibres qui entrent dans la structure de l'animal, comme dans un état de distractilité continuelle, plus ou moins grande, à proportion que les vaisseaux qu'elles forment sont plus ou moins remplis ou dilatés par les liquides contenus : elles sont dans un état violent, attendu que, laissées à elles-mêmes, celles qui sont dans une position longitudinale tendent à se raccourcir de plus en plus, et les vaisseaux à s'oblitérer par la contraction des fibres circulaires, qui en est aussi un véritable raccourcissement. Ces effets n'ont jamais lieu dans les vaisseaux qui contiennent quelque liquide ; ils ne peuvent jamais parvenir à l'état de contraction parfaite ; ils en approchent seulement plus ou moins, à proportion qu'ils sont plus ou moins distendus par la quantité et l'effort des fluides qu'ils contiennent, tant que la distribution des fluides se fait avec égalité, c'est-à-dire proportionnément à ce que chaque vaisseau doit en recevoir dans l'état naturel.

Tous les solides, dans quelque état qu'on les considère, soit de systole, soit de diastole, forment un ressort d'une seule pièce, dont les parties soutiennent l'effort les unes des autres, sans qu'aucune plie : mais s'il arrive, par quelque cause que ce sait, que les fibres ou les tuniques de quelques vaisseaux viennent à perdre de cette force de ressort, celle de toutes les autres restant la même, les fluides éprouvant moins de résistance à se porter dans la partie affoiblie, y sont poussés plus abondamment, et diminuent proportionnément leur effort vers les vaisseaux des autres parties, dont le ressort n'a rien perdu de ses forces, et résiste toujours également et plus efficacement, attendu que ces vaisseaux peuvent se resserrer de plus en plus, en suivant leur disposition intrinseque, qui était auparavant sans effet excédent.

Ainsi lorsque l'équilibre est rompu par relâchement dans quelques-unes des parties contenantes, l'effort des fluides y devenant de plus en plus supérieur à la résistance des solides, ceux-ci cedent aussi de plus en plus, se laissent allonger au point que les vaisseaux qui en sont composés se dilatent outre mesure, quelquefois jusqu'à se rompre : les liquides contenus n'éprouvant que faiblement, ou point du-tout, la réaction des vaisseaux trop dilatés, croupissent et dégénèrent de leurs qualités naturelles, ou ils s'épanchent de la cavité de ceux dans lesquels s'est fait une solution de continuité, ou ils transudent par les pores les plus ouverts, à cause de l'écartement des fibres, ou ils coulent plus abondamment qu'ils ne devraient, pour le bien de l'économie animale, par l'orifice forcé des vaisseaux, qui se trouve plus ouvert qu'il ne doit être dans l'état naturel.

De tous ces différents effets s'ensuivent des symptômes, dont la différence dépend principalement de celle du siège et des fonctions des organes qui pechent par le relâchement. Si ce vice a lieu dans le tissu cellulaire qui appartient aux téguments en général, il en provient une leucophlegmatie ; si ce n'est que dans le tissu cellulaire des extrémités inférieures, il en résulte seulement l'enflure de ces parties ; s'il s'établit dans les vaisseaux lymphatiques du bas-ventre, ou de la poitrine, ou de la tête, il en est produit une hydropisie, ou un engorgement sérieux des poumons, ou un épanchement dans la poitrine d'humeurs de même nature, ou une hydropisie de différente espèce.

Mais le mal n'est jamais plus grand que lorsque les vaisseaux relâchés servent à une excrétion quelconque : alors les liquides contenus s'écoulant sans résistance par les conduits qui leur sont propres, sont suivis par les autres parties de la masse des humeurs, qui sont de consistance à ne pas trouver plus d'obstacle à s'écouler par la même voie ; ce qui rend le flux continuel, ou presque tel. Tous les autres vaisseaux du corps recevant et contenant à proportion moins des fluides qu'il s'en porte plus dans la partie faible, ont la liberté de se resserrer davantage : le chyle, avant de se changer en sang, la matière même du suc nourricier se portent aussi avec les parties les plus fluides de la masse des humeurs, vers les vaisseaux les plus libres, les moins résistants, c'est-à-dire vers ceux dont les fibres ont perdu l'équilibre : d'où il résulte que la déperdition des fluides en général, par la voie ouverte, venant à excéder la réparation, il se fait une diminution proportionnée du volume dans toutes les parties du corps, attendu qu'il dépend principalement de la quantité des humeurs qui tiennent les vaisseaux dans l'état de la dilatation ; cette diminution fait l'amaigrissement. Le cerveau ne recevant pas une suffisante quantité de fluides travaillés pour être changés en esprits animaux, il en resulte la faiblesse, l'abattement, l'impuissance au mouvement. Le suc nourricier manquant dans les vaisseaux auxquels il doit être distribué, ils s'oblitèrent peu-à-peu, d'où le marasme. La partie relâchée devenant comme un égout, vers lequel tendent les humeurs de toutes les parties, la plupart des vaisseaux deviennent vides et affaissés ; le corps se desseche, et la flexibilité nécessaire aux solides en général, qui ne peut être attribuée qu'à l'interposition convenable des fluides, venant à manquer conséquemment à leur défaut, le mouvement qui ne peut avoir lieu sans cette flexibilité, cesse, et la mort suit.

Cette théorie convient à toutes sortes de fluxions, de dépôts, d'amas considérables, et d'écoulements d'humeurs qui proviennent de la perte de l'équilibre des solides, par cause de relâchement dans quelque partie du corps que ce sait. On peut regarder tous les effets provenans de cette cause, comme autant de diabetes : les eaux ramassées dans le ventre, dans la poitrine, dans la tête, dans le tissu cellulaire des téguments en général, des paupières, des bourses en particulier, ne diffèrent aucunement des liquides qui s'évacuent dans le diabetes proprement dit, provenans du relâchement des tuyaux uriniferes : les jambes des hydropiques, qui se crevent d'elles-mêmes, ne donnent-elles pas un écoulement de sérosités qui forme comme un diabetes ? Ainsi les vaisseaux lymphatiques de la tête, de la poitrine, du bas-ventre, qui laissent échapper continuellement dans les hydropisies de ces parties, le liquide qu'ils transportent, ne forment-ils pas comme autant de syphons qui semblent, par une de leurs extrémités qui est leur principe, tremper dans la masse des humeurs, et par l'autre répandre ce qu'ils sucent ? Ainsi dans le relâchement des vaisseaux secrétoires de l'urine, il se fait un écoulement de sérosité à laquelle se mêle, à proportion que le relâchement augmente, la lymphe, le chyle le plus fin, et ensuite le chyle le plus grossier, pour ainsi dire sous forme de lait ; ce qui rend, dans le diabetes proprement dit, les urines douçâtres et blanchâtres, quand il a duré un certain temps : d'où s'ensuit la consomption, comme de toute autre évacuation de cette espèce, dans quelque partie du corps que ce sait. N'a-t-on pas Ve des plaies produire cet effet par d'abondantes suppurations, et devenir comme un égout, par lequel s'écoulait presque toute la masse des humeurs, à cause du relâchement qui survenait dans les solides de la partie, et de la moindre résistance qu'offraient les vaisseaux, toujours disposés à s'ouvrir ?

Les ventouses ne produisent pas autrement la tuméfaction des parties sur lesquelles elles sont appliquées, qu'en rompant, par la diminution de la compression de l'air, l'équilibre de résistance dans les vaisseaux, qui se laissent en conséquence engorger d'humeurs. Les animaux ne se gonflent sous le recipient de la machine du vide, que parce que le poids de l'air étant aussi diminué par la suction, s'oppose moins à l'effort des fluides, qui tendent à dilater les vaisseaux de l'habitude du corps : ceux-ci ne pechent alors que par défaut d'équilibre ; d'où l'on peut inférer que la force qui le conserve dans l'économie animale saine, n'est pas seulement intrinseque à l'égard des fibres, mais qu'elle est aussi extrinseque.

Il est même, outre le poids de l'atmosphère, une autre cause qui y contribue, qui, quoiqu'étrangère à chaque vaisseau en particulier, ne l'est cependant pas à l'animal même ; c'est la pression réciproque des vaisseaux entr'eux, par laquelle ils contre-balancent, les uns par rapport aux autres, les efforts que les fluides font dans leur cavité respective, tendants à en écarter les parois outre mesure.

On voit, par tout ce qui vient d'être exposé, les pernicieux effets que peut produire dans l'économie animale le défaut d'équilibre causé par la trop grande diminution du ressort dans les parties solides : ce même défaut, occasionné par la trop grande élasticité dans les fibres d'une partie, ou par leur rigidité, ou par la constriction spontanée ou spasmodique des tuniques musculaires des vaisseaux, n'est pas une source moins féconde de dérangement dans l'économie animale ; c'est ce qui semble suffisamment prouvé par les considérations suivantes.

Ainsi le resserrement d'un vaisseau considérable, ou de plusieurs vaisseaux dans une partie quelconque, ou tout autre obstacle formé au cours des humeurs, en quelque organe que ce sait, peuvent produire la fièvre, ou dans les parties affectées, si la cause n'est pas bien considérable, ou dans tout le corps, en tant que les fluides poussés vers cette partie, ne pouvant pas y continuer leur mouvement progressif avec liberté, sont repoussés vers leurs sources par l'action même des vaisseaux engorgés, qui réagissent avec plus de force, à proportion qu'ils sont plus distendus au-delà de leur ton naturel ; ce qui dilate de proche en proche les troncs, et en force le ressort, qui par sa réaction sur les mêmes fluides repoussés, les renvoye vers l'obstacle, d'où nait une espèce de pléthore particulière entre l'obstacle et les troncs des vaisseaux embarrassés ; ce qui établit une sorte de fièvre dans la partie, comme on l'observe, par exemple, dans un panaris commençant, par les fortes pulsations qui se font sentir dans tout le doigt affecté. Si la cause de l'obstacle est considérable, un plus grand nombre de vaisseaux collatéraux participent à l'engorgement, et de proche en proche l'embarras gagne, la circulation se trouble, la pléthore devient générale, la puissance motrice, qui tend toujours à conserver l'équilibre ou à le rétablir, augmente l'action dans tous les vaisseaux, à proportion de la résistance : de-là une sorte d'agitation fébrîle s'établit dans tout le corps, laquelle, si la cause est de nature à subsister, donne lieu à une véritable fièvre.

N'est-ce pas à un defaut d'équilibre de cette espèce, qu'on peut attribuer la plupart des indispositions que causent les commencements de la grossesse à un grand nombre de femmes ? le sang menstruel ne s'évacuant point dans cette circonstance, et formant par conséquent une pléthore particulière dans la matrice, qui augmente de plus en plus, tant que le foetus ne peut pas encore consumer en entier, pour sa nourriture et son accroissement, les humeurs surabondantes, que la nature a destinées à cet usage : les vaisseaux utérins, distendus outre mesure, ne cedent cependant que jusqu'à un certain point à leur dilatation ultérieure ; le tiraillement de leurs tuniques forcées, qui approche du déchirement, est un sentiment stimulant, qui les excite à réagir extraordinairement en y attirant des forces surajoutées, par l'influx du fluide nerveux et des contractions des fibres musculaires ; ainsi, ils deviennent par-là en état de résister aux plus grands efforts des humeurs, qui tendent à s'y porter plus abondamment : il se fait d'abord une espèce d'hérence dans le cours des fluides de tous les vaisseaux utérins ; elle s'étend de proche en proche, comme par l'effet d'une digue ou écluse ; le ressort des vaisseaux réagissants, étant un peu dégagé, force ensuite ce qui reste encore de surabondant, dans leur cavité, à refluer dans les troncs des vaisseaux, d'où ils ont été distribués (ce reflux peut réellement avoir lieu dans le cas dont il s'agit ici, si l'on convient qu'il se fait dans la résolution des inflammations produites par erreur de lieu, voyez INFLAMMATION, ERREUR DE LIEU) : de ce reflux, ainsi conçu, ou de l'embarras dans le cours des humeurs de la matrice, s'ensuit l'engorgement des mammelles, parce que le sang, qui trouve de la résistance à aborder dans ce viscère, se replie par les vaisseaux épigastriques vers les mammaires, qui logent ainsi une partie des humeurs surabondantes.

Mais la pléthore se renouvellant continuellement, il succede toujours de nouveaux fluides à placer : ils sont repoussés, et se jettent toujours où ils trouvent moins de résistance ; il s'en fait d'abord une dérivation dans tous les vaisseaux collatéraux, qui se trouvent disposés à ceder ; ce qui donne souvent lieu à une plus grande secrétion dans les glandes et dans tous les filtres des intestins, dont l'excrétion fournit souvent la matière d'un cours de ventre : ou les humeurs se portent dans les vaisseaux de l'estomac, les distendent, tiraillent leurs fibres musculaires, les nerfs de ce viscère, d'où s'ensuivent les mouvements convulsifs, qui produisent des nausées, des efforts pour vomir, et le vomissement même, lorsqu'il y a des matières dans l'estomac, qui pesent sur ses parois tendues, par l'engorgement de ses vaisseaux qui le rend beaucoup plus susceptible d'irritation : ou le transport des humeurs se fait vers les poumons, lorsqu'ils sont d'un tissu à proportion moins résistant que les autres parties du corps ; il y occasionne des suffocations, des oppressions, des crachements de sang, etc. ou il se fait dans les vaisseaux des membranes du cerveau, de sa substance, et il y cause des douleurs, des pesanteurs de tête, un assoupissement extraordinaire, des vertiges, etc. Tous ces effets supposent l'équilibre rompu entre les vaisseaux utérins, qui résistent à être engorgés ultérieurement, et les vaisseaux des autres parties, qui pretent et se laissent engorger par les humeurs surabondantes, qui refluent de la matrice, ou qui, restant dans la masse, tendent à se jeter sur quelque partie faible, et s'y logent en effet, en forçant ses vaisseaux.

Mais si toutes les parties résistent également, le sang superflu restant dans les gros vaisseaux, sans pouvoir être distribué, gêne la circulation, cause des défaillances, des syncopes, ce qui rend, dans ce cas, la saignée si salutaire, par la promptitude avec laquelle elle rétablit l'équilibre, en dégorgeant les gros vaisseaux ; elle peut aussi produire de bons effets dans tous les autres engorgements particuliers, par la même raison, mais ils sont moins sensibles : dans ce même cas encore, la nature, qui tend toujours à conserver ou à rétablir l'équilibre, peut avoir une autre ressource que la saignée ; tous les vaisseaux étant dans un état de résistance, et par conséquent de réaction égales, peuvent quelquefois, par leurs forces combinées, vaincre celles des vaisseaux utérins, et en forcer les orifices, donner lieu à une hémorrhagie qui peut rétablir l'équilibre perdu ; c'est par cette raison que plusieurs femmes ont des pertes pendant les premiers mois de leur grossesse, surtout les femmes robustes, sans aucun mauvais effet.

Tout ce qui vient d'être dit, peut convenir à bien des égards à ce qui se passe dans la suppression des règles, et peut tenir lieu d'explication de ce que Boerhaave dit simplement être un désordre dans la circulation, sans dire en quoi consiste ce désordre, ce changement, ce mouvement renversé dans le cours du sang, qu'il reconnait, sans en indiquer la cause, sans la faire pressentir même : il semble cependant qu'on peut en rendre raison, de la manière précédente, en suivant la nature dans ses opérations, sans rien supposer. On voit, par exemple, pourquoi les femmes grosses sont sujettes à de si fréquentes et de si grandes agitations, à des fréquences dans le pouls, qui en sont une suite, surtout pendant le temps de la digestion, de l'entrée du chyle dans le sang : effet que l'on peut regarder comme étant des efforts que la nature fait pour rétablir l'équilibre ; efforts qui sont véritablement fébriles, et seraient de conséquence, s'ils n'étaient pas si irréguliers, et le plus souvent de très-peu de durée ; parce que la cause est ordinairement de nature à être aisément et promptement détruite, ou peut subsister sans danger : il n'y a pas de vice intrinseque dans les humeurs ; elles ne pechent que par l'excès de quantité : il n'en est pas de même dans les suppressions du flux menstruel ; la cause étant le plus souvent difficîle à vaincre, occasionne des efforts continuels de la nature, pour détruire la pléthore et rétablir l'équilibre ; ce qui donne souvent lieu, dans ce cas, à des fièvres considérables, et dont les suites peuvent être fâcheuses.

Ainsi, les inflammations occasionnant aussi une sorte de pléthore, plus ou moins étendue, produisent la fièvre générale ou particulière : le resserrement spasmodique des parties nerveuses dans un viscère, dans un membre, dans un tendon, dans un tronc de nerf picqué, irrité, produit le même effet ; de même aussi les irritations qui affectent les membranes nerveuses, comme celles des intestins, la plèvre, la dure-mère, l'enveloppe des muscles, le périoste, etc. les remèdes irritants, tels, surtout, que les purgatifs, les vomitifs, les vésicatoires, les synapismes, les phoenigmes, etc. semblent n'attirer un plus grand abord d'humeurs dans les parties où ils agissent, que parce qu'ils excitent la réaction des vaisseaux éloignés vers ceux qui sont d'abord plus resserrés par l'irritation, mais qui sont bien-tôt forcés de céder à toutes les puissances des solides réunies contre eux ; ce qui opère une dérivation d'humeurs vers la partie irritée ; dérivation qui est, par cette raison, le plus souvent précédée d'une augmentation de mouvement dans tous les fluides, dans la circulation entière. N'est-ce pas ainsi que l'on peut concevoir la manière d'agir des topiques irritants, dont on se sert pour attirer la goutte dans les extrémités ? l'action des cautères actuels, du moxa, produit aussi à-peu-près les mêmes effets : l'orgasme, dans les parties susceptibles d'impressions voluptueuses, fait ainsi naître une agitation générale, en tant que la tension de leurs parties nerveuses y forme des obstacles au cours ordinaire des humeurs, qui refluent dans tout le corps, y font une pléthore passagère, c'est-à-dire proportionnée à la durée de la cause de cette tension, et cette pléthore cesse avec le sentiment qui en a été la cause déterminante : c'est ce qu'on éprouve dans l'acte vénérien, dans la seule érection de la verge, du clitoris, soutenue par l'imagination échauffée, dans le gonflement des parties de la vulve, des mamelons : tout ce qui tend les nerfs plus qu'à l'ordinaire, comme une épine dans un tendon, dans des chairs bien sensibles, comme les brulures, etc. produit un plus grand abord de sang dans les parties affectées ; d'où s'ensuit un battement d'artères plus fort dans ces parties, ou une agitation générale, à proportion de l'intensité de la cause, etc.

Il résulte de ce qui a été dit jusqu'ici sur les différentes causes qui peuvent déranger l'équilibre de la machine dans l'économie animale, que dans le relâchement, l'élasticité naturelle qui subsiste dans les fibres, suffit en général, pour leur donner un degré de force qui détermine le cours des fluides vers la partie qui a perdu de son ressort ; mais le défaut d'équilibre, qui est produit par l'irritation, ne peut pas avoir lieu, sans qu'il soit ajouté généralement à tous les solides, une force qui puisse l'emporter sur la résistance de la partie où se fait l'irritation ; en sorte que dans ce cas, ils acquièrent plus de force d'action sur les fluides par un resserrement qui dépend des nerfs, et l'équilibre se détruit, tout comme si les parties irritées péchaient par relâchement, parce que celles-ci sont forcées de céder à l'action combinée de tous les vaisseaux du corps contre elle ; étant alors inférieures en résistance, elles ne tiennent pas contre l'action des fibres, en général devenues plus fortes, que dans l'état naturel, par un moyen surajouté, qui leur est commun à toutes, vis unita fortior. Ainsi de deux causes opposées, le relâchement et le resserrement des fibres ou des vaisseaux, il peut également en résulter un défaut d'équilibre dans le corps animal.

Il est naturel de conclure de tout ce qui vient d'être exposé au sujet de l'équilibre dans le corps humain, qu'il est très-important de s'instruire de tout ce qui sert à faire connaître les phénomènes, les lois constantes de cette condition requise pour la vie saine, de cet agent, qui parait jouer un si grand rôle dans l'économie animale, qui est un principe fécond, d'où on peut déduire une infinité de causes, qui entretiennent la santé, qui produisent les maladies, selon les diverses dispositions des solides entr'eux, et relativement aux fluides. Les réflexions, sur ce sujet, semblent justifier la théorie des anciens médecins méthodiques, qui voulaient faire dépendre l'exercice réglé ou vicié de toutes les fonctions, de ce qu'ils appelaient le strictum et le laxum ; ils ne se sont vraisemblablement écartés de la vérité à cet égard, que pour avoir voulu tout attribuer à la disposition des solides, sans reconnaître aucun vice essentiel dans les fluides. Baglivi a trop fait dépendre l'équilibre, qu'il avait justement entrevu dans le corps animal, du mouvement systaltique, qu'il attribuait aux membranes du cerveau ; mais en ramenant cette théorie aux vrais avantages que l'on peut en tirer, elle peut fournir de grandes lumières dans l'étude de la nature et de ses opérations, dans l'état de la santé et dans celui de maladie ; par exemple, à l'égard de la distribution des différentes humeurs dans toutes les parties du corps, du mécanisme des secrétions en général, de l'influence du poids de l'air et de ses autres qualités, du chaud, du froid, du sec, de l'humide, etc. sur le corps humain, sur les poumons principalement, des évacuations critiques et symptomatiques, des métastases, etc. Voyez sur ce sujet l'article METHODIQUE, Prosper Alpin, de médecinâ methodicâ, et les œuvres de Baglivi. Si l'on admet l'importance des résultats, qui dérivent des observations sur l'équilibre dans l'économie animale, tel qu'on vient de le représenter, on ne peut pas refuser de convenir qu'elles doivent être aussi d'une très-grande utilité dans la pratique médicinale, pour établir les indications dans le traitement des maladies, et pour diriger l'administration de la plupart des remèdes, comme les évacuans, dérivatifs, révulsifs, fortifiants, relâchans, anodyns, narcotiques, antispasmodiques, et autres qui peuvent produire des effets relatifs à ceux-là. Voyez ces mots et les articles qui ont rapport à celui qui vient d'être terminé, tel que FIBRE, FLUXION, RELACHEMENT, SPASME, etc. (d)

EQUILIBRE, terme de Peinture. Omne corpus, nisi extrema sese undiquè contineant, librenturque ad centrum, collabatur ruatque necesse est : voilà un passage qui me parait définir le terme dont il s'agit ici, et j'espère qu'une explication un peu détaillée de ce texte, et un précis de ce que Léonard de Vinci dit sur cette partie dans son traité de la Peinture, suffiront pour en donner une idée claire. Pomponius Gaurie qui a composé en latin un traité de la Sculpture, est l'auteur de la définition que j'ai citée ; elle se trouve au chapitre VIe intitulé de statuarum statu, motu, et otio. Toute espèce de corps, dit-il, dont les extrémités ne sont pas contenues de toutes parts, et balancées sur leur centre, doit nécessairement tomber et se précipiter.

La chaîne qui unit les connaissances humaines, joint ici la Physique à la Peinture ; en sorte que le physicien qui examine la cause du mouvement des corps, et le peintre qui veut en représenter les justes effets, peuvent, pour quelques moments au moins, suivre la même route, et pour ainsi dire voyager ensemble. L'on doit même remarquer que ces points de réunion des Sciences, des Arts, et des connaissances de l'esprit, se montrent plus fréquents, lorsque ces mêmes connaissances tendent à une plus grande perfection. Cependant on a pu observer aussi (comme une espèce de contradiction à ce principe), que souvent la théorie perfectionnée a plutôt suivi que précédé les âges les plus brillans des beaux arts, et qu'au moins elle n'a pas toujours produit les fruits qu'on semblerait devoir en espérer. Je réserve pour les mots THEORIE et PRATIQUE quelques réflexions sur cette singularité. Il s'agit dans cet article d'expliquer le plus précisément qu'il est possible ce que l'on entend par équilibre dans l'art de Peinture.

Le mot équilibre s'entend principalement des figures qui par elles-mêmes ont du mouvement ; telles que les hommes et les animaux.

Mais on se sert aussi de cette expression pour la composition d'un tableau ; et je vais commencer par développer ce dernier sens. M. du Fresnoy, dans son poème immortel de arte graphicâ, recommande cette partie ; et voici comment il s'exprime :

Seu multis constabit opus, paucisque figuris,

Altera pars tabulae vacuo ne frigida campo

Aut déserta siet, dum pluribus altera formis

Fervida mole suâ supremam exurgit ad oram :

Sed tibi sic positis respondeant utraque rebus ;

Ut si aliquid sursum se parte attollat in unâ,

Sic aliquid parte ex aliâ consurgat, et ambas

Aequiparet, geminas cumulando aequaliter oras.

" Sait que vous employiez beaucoup de figures, ou que vous vous réduisiez à un petit nombre ; qu'une partie du tableau ne paraisse point vide, dépeuplée, et froide, tandis que l'autre enrichie d'une infinité d'objets, offre un champ trop rempli : mais faites que toute votre ordonnance convienne tellement que si quelque corps s'élève dans un endroit, quelqu'autre le balance, en sorte que votre composition présente un juste équilibre dans ses différentes parties ".

Cette traduction qui peut paraitre moins conforme à la lettre qu'elle ne l'est au sens, donne une idée de cet équilibre de composition dont M. du Fresnoy a voulu parler ; et j'ai hasardé avec d'autant plus de plaisir d'expliquer sa pensée dans ce passage, que la traduction qu'en donne M. de Piles présente des préceptes qui, loin d'être avoués par les artistes, sont absolument contraires aux principes de l'art et aux effets de la nature. Je vais rapporter les termes dont se sert M. de Piles.

" Que l'un des côtés du tableau ne demeure pas vide, pendant que l'autre est rempli jusqu'au haut ; mais que l'on dispose si bien les choses, que si d'un côté le tableau est rempli, l'on prenne occasion de remplir l'autre ; en sorte qu'ils paraissent en quelque façon égaux, soit qu'il y ait beaucoup de figures, ou qu'elles y soient en petit nombre ".

On aperçoit assez dans ces mots, en quelque façon, qui ne sont point dans le texte, que M. de Piles lui-même a senti qu'il fallait adoucir ce qu'il venait d'avancer : mais cet adoucissement ne suffit pas. Il n'est point du tout nécessaire de remplir un côté du tableau, parce que l'on a rempli l'autre, ni de faire en sorte qu'ils paraissent, en quelque façon même, égaux. Les lois de la composition sont fondées sur celles de la nature, et la nature moins concertée ne prend point pour nous plaire les soins qu'on prescrit ici à l'artiste. Sur quoi donc sera fondé le précepte de du Fresnoi ? que deviendra ce balancement de composition à l'aide duquel j'ai rendu son idée ? Il naitra naturellement d'un heureux choix des effets de la nature, qui non-seulement est permis aux Peintres, mais qu'il faut même leur recommander ; il naitra du rapprochement de certains objets que la nature ne présente pas assez éloignés les uns des autres, pour qu'on ne soit pas autorisé à les rassembler et à les disposer à son avantage.

En effet il est rare que dans un endroit enrichi, soit par les productions naturelles, soit par les beautés de l'art, soit par un concours d'êtres vivants, il se trouve dans le court espace que l'on peut choisir pour sujet d'un tableau (qui n'est ordinairement que celui qu'un seul regard peut embrasser), un côté dénué de toute espèce de richesses, tandis que l'autre en sera comblé. La nature garde plus d'uniformité dans les tableaux qu'elle compose ; elle n'offre point brusquement le contraste de l'abondance et de l'extrême aridité. Les lieux escarpés se joignent imperceptiblement à ceux qui sont unis ; les contraires sont séparés par des milieux, d'où résulte cette harmonie générale qui plait à nos regards : d'ailleurs ce balancement ne consiste pas seulement dans la place, la grandeur, et le nombre des objets ; il a encore une source plus cachée dans la disposition et l'enchainement des masses que forment la lumière et l'ombre. C'est surtout cet ordre ingénieux, ce chemin qu'on fait faire à la lumière dans la composition d'un tableau, qui contribuent à son balancement et à son équilibre, qui contentent la vue, et qui sont cause que ce sens étant satisfait, l'esprit et l'âme peuvent prendre leur part du plaisir que leur offre l'illusion de la Peinture.

J'insisterai d'autant plus sur ce principe d'équilibre de la composition, qu'il y a un danger infini pour les artistes dans l'affectation d'une disposition d'objets trop recherchée, et que c'est par cette route que se sont introduits ces faux principes de contraste et de disposition pyramidale.

Les beautés de la nature ont un caractère de simplicité qui s'étend sur ses tableaux les plus composés, et qui plait dans ceux qu'on pourrait accuser de monotonie. Plusieurs figures dans la même attitude, sur le même plan, sans contraste, sans opposition, bien loin d'être monotones dans la nature, nous y présentent des variétés fines, des nuances délicates, et une union d'action qui enchantent. Il faut pour imiter ces beautés, une extrême justesse ; et la naïveté, je l'avoue, est voisine de la sécheresse, et d'un goût pauvre qu'il faut éviter avec autant de soin que le genre outré. Mais c'en est assez pour la signification de ces mots, équilibre de composition. Consultons Léonard de Vinci sur l'équilibre des corps en particulier.

" La pondération, dit-il chap. cclx, ou l'équilibre des hommes, se divise en deux parties : elle est simple, ou composée. L'équilibre simple est celui qui se remarque dans un homme qui est debout sur ses pieds sans se mouvoir. Dans cette position, si cet homme étend les bras en les éloignant diversement de leur milieu, ou s'il se baisse en se tenant sur un de ses pieds, le centre de gravité tombe par une ligne perpendiculaire sur le milieu du pied qui pose à terre ; et s'il est appuyé également sur les deux pieds, son estomac aura son centre de gravité sur une ligne qui tombe sur le point milieu de l'espace qui se trouve entre les deux pieds.

L'équilibre composé est celui qu'on voit dans un homme qui soutient dans diverses attitudes un poids étranger ; dans Hercule, par exemple, étouffant Antée qu'il suspend en l'air, et qu'il presse avec ses bras contre son estomac. Il faut, dans cet exemple, que la figure d'Hercule ait autant de son poids au-delà de la ligne centrale de ses pieds, qu'il y a du poids d'Anthée en-deçà de cette même ligne ".

On voit par ces définitions de Léonard de Vinci, que l'équilibre d'une figure est le résultat des moyens qu'elle emploie pour se soutenir, soit dans une action de mouvement, soit dans une attitude de repos.

Mais comme les principes et les réflexions excellentes de cet auteur sont peu liés ensemble dans son ouvrage, je vais, en les fondant avec les miennes, leur donner, s'il se peut, un ordre qui en rende l'intelligence plus facile, pour ceux mêmes qui ne pratiquent pas l'art de la Peinture.

Quoique le peintre de figure ne puisse produire qu'une représentation immobîle de l'homme qu'il imite, l'illusion de son art lui permet de choisir pour cette représentation dans les actions les plus animées, comme dans les attitudes du plus parfait repos : il ne peut représenter dans les unes et dans les autres qu'un seul instant ; mais une action quelque vive, quelque rapide qu'elle sait, est composée d'une suite infinie de moments, et chacun d'eux doit être supposé avoir quelque durée : ils sont donc tous susceptibles de l'imitation que le peintre en peut faire dans cette succession de moments dont est composée une action. La figure doit (par une loi que la nature impose aux corps qui se meuvent d'eux-mêmes) passer alternativement de l'équilibre, qui consiste dans l'égalité du poids de ses parties balancées et reposées sur un centre, à la cessation de cette égalité. Le mouvement nait de la rupture du parfait équilibre, et le repos provient du rétablissement de ce même équilibre.

Ce mouvement sera d'autant plus fort, plus prompt, et plus violent, que la figure dont le poids est partagé également de chaque côté de la ligne qui la soutient, en ôtera plus d'un de ces côtés pour le rejeter de l'autre, et cela avec violence et précipitation.

Par une suite de ce principe, un homme ne pourra remuer ou enlever un fardeau, qu'il ne tire de soi-même un poids plus qu'égal à celui qu'il veut mouvoir, et qu'il ne le porte du côté opposé à celui où est le fardeau qu'il veut lever. C'est de-là qu'on doit inférer, que pour parvenir à une juste expression des actions, il faut que le peintre fasse en sorte que ses figures démontrent dans leur attitude la quantité de poids ou de force qu'elles empruntent pour l'action qu'elles sont prêtes d'exécuter. J'ai dit la quantité de force ; parce que si la figure qui supporte un fardeau rejette d'un côté de la ligne qui partage le poids de son corps, ce qu'il faut de plus de ce poids pour balancer le fardeau dont elle est chargée, la figure qui veut lancer une pierre ou un dard, emprunte la force dont elle a besoin, par une contorsion d'autant plus violente, qu'elle veut porter son coup plus loin ; encore est-il nécessaire, pour porter son coup, qu'elle se prépare par une position anticipée à revenir aisément de cette contorsion à la position où elle était avant que de se gêner : ce qui fait qu'un homme qui tourne d'avance la pointe de ses pieds vers le but où il veut frapper, et qui ensuite recule son corps, ou le contourne, pour acquérir la force dont il a besoin, en acquerra plus que celui qui se poserait différemment ; parce que la position de ses pieds facilite le retour de son corps vers l'endroit qu'il veut frapper, et qu'il y revient avec vitesse, enfin s'y retrouve placé commodément.

Cette succession d'égalité et d'inégalité de poids dans des combinaisons innombrables (que notre instinct, sans notre participation et à notre insçu, fait servir à exécuter nos volontés avec une précision géométrique si admirable) se remarque aisément dès que l'on y fait la moindre attention : cependant elle est encore plus visible, lorsqu'on examine les danseurs et les sauteurs, dont l'art consiste à en faire un usage plus raisonné et plus approfondi. Les faiseurs d'équilibre et les funambules surtout, en offrent des démonstrations frappantes ; parce que dans les mouvements qu'ils se donnent sur des appuis moins solides, et sur des points de surface plus restreints, l'effet des poids est plus remarquable et plus subit, surtout lorsqu'ils exécutent leurs exercices sans appui, et qu'ils marchent ou sautent sur la corde sans contre-poids : c'est alors que vous voyez l'emprunt qu'ils font à chaque instant d'une partie du poids de leur corps pour soutenir l'autre, et pour mettre alternativement leur poids total dans un juste balancement, ou dans une égalité qui produit leurs mouvements ou le repos de leurs attitudes : c'est alors qu'on voit dans la position de leurs bras l'origine de ces contrastes de membres qui nous plaisent, et qui sont fondés sur la nécessité ; plus ces contrastes sont justes et conformes à la pondération nécessaire des corps, plus ils satisfont le spectateur, sans qu'il cherche à se rendre compte de cette satisfaction qu'il ressent ; plus ils s'éloignent de la nécessité, moins ils produisent d'agréments, ou même plus ils blessent, sans qu'on puisse bien clairement se rendre raison de cette impression.

Ce sont ces observations qui doivent engager les artistes à imiter Léonard de Vinci, et à employer leurs moments de loisir à des réflexions approfondies ; ils se formeront par-là des principes certains, et ces principes produiront dans leurs ouvrages ces beautés vraies et ces grâces naturelles, qu'on regarde injustement comme des qualités arbitraires, et pour la définition desquelles on emploie si souvent ce terme de je ne sai quoi : expression plus obscure cent fois que ce que l'on veut définir, et trop peu philosophique pour qu'il soit permis de l'admettre autrement que comme une plaisanterie.

En invitant les artistes à s'occuper sérieusement de l'équilibre et de la pondération des corps, comme je les ai déjà exhortés à faire des études profondes de l'Anatomie, je crois les rappeler à deux points fondamentaux de leur art. Je ne répéterai pas ce que j'ai dit de l'Anatomie ; mais j'ose leur avancer que la variété, les grâces, la force de l'expression, ont aussi leurs sources dans les lois de l'équilibre et de la pondération ; et sans entrer dans des détails qui demanderaient un ouvrage entier, je me contenterai de mettre sur la voie ceux qui voudront réfléchir sur ce sujet. Pour commencer par la variété, qu'elle ressource n'a-t-elle pas dans cette nécessité de dispositions différentes, relatives à l'équilibre, que la nature exige au moindre changement d'attitude ? Le peu d'attention sur les détails de cette partie, peut laisser croire à un artiste superficiel, qu'il n'y a qu'un certain nombre de positions qui soient favorables à son talent ; dès que son sujet le rapprochera tant-sait-peu d'une de ces figures favorites, il se sentira entrainé à s'y fixer par l'habitude ou par la paresse ; et si l'on veut décomposer tous ses ouvrages et les réduire à leur juste mérite, quelques attitudes, quelques grouppes, et quelques caractères de têtes éternellement répétés, offriront le fond médiocre sur lequel on portera un jugement qui lui sera peu favorable. Ce n'est point ainsi qu'ont exercé, et qu'exercent encore cet art immense, les artistes qui aspirent à une réputation solidement établie ; ils cherchent continuellement dans la nature les effets, et dans le raisonnement les causes et la liaison de ces effets : ils remarquent, comme je viens de le dire, que le moindre changement dans la situation d'un membre, en exige dans la disposition des autres, et que ce n'est point au hasard que se fait cette disposition, qu'elle est déterminée non-seulement par le poids des parties du corps, mais par l'union qu'elles ont entr'elles par leur nature, c'est-à-dire par leur plus ou moins de solidité ; et c'est alors que les lumières de l'anatomie du corps doivent guider les réflexions qu'on fait sur son équilibre. Ils sentiront que cette disposition différente qu'exige le moindre mouvement dans les membres, est dirigée à l'avantage de l'homme par un instinct secret, c'est-à-dire que la nature le porte à se disposer toujours de la façon la plus commode et la plus favorable à son dessein. La juste proportion des parties et l'habitude des mouvements y concourent : de-là nait dans ceux qui voient agir naturellement une figure bien conformée, l'idée de la facilité, de l'aisance ; ces idées plaisent : de-là nait celle de la grâce dans les actions. Pour l'expression, comme elle résulte du mouvement que l'âme exige du corps, et que ce dernier exécute ; on sent qu'elle est ainsi subordonnée aux principes physiques des mouvements corporels, auxquels il est obligé de se soumettre, pour obéir à l'âme jusque dans ses volontés les plus rapides et les plus spontanées. Cet article est de M. WATELET.